10 février 1616. Sébastien Bourdon et la Bible

publié le 10 February 2023 à 01h01 par José LONCKE

10 février 1616. Sébastien Bourdon et la Bible

Le plus célèbre des peintres réformés du 17ème  siècle évolua entre sa ville natale, Montpellier, et Paris où il reçut d’importantes commandes et s’affirma dans la fondation de l’Académie avec le concours d‘autres artistes protestants. Sa carrière est aussi marquée par le séjour qu’il fit à Stockholm. Tout au long de sa vie, on le retrouve très présent dans le milieu protestant de la capitale.

Enfance et formation (1616-1636)
Sébastien Bourdon naît à Montpellier le 2 février 1616 dans un milieu d’artisans modestes. Son père, Marin, est peintre et vitrier, sa mère, Jeanne Gaultière, est fille d’un maître-orfèvre. Le jeune enfant est baptisé le 10 février 1616 au temple de Montpellier.

Il a six ans lorsque la ville connaît une période dramatique. Après trois mois de résistance, la ville est investie par les troupes royales de Louis XIII (1622).
A cette époque, le tout jeune Sébastien est envoyé à Paris, en apprentissage chez un peintre.

Le séjour romain ou les dangers d'être réformé dans la ville papale (1636-1637)
II poursuit son instruction à Rome, formation idéale des artistes contemporains. Menacé d’être dénoncé comme protestant à l’Inquisition par un peintre avec lequel il s’était querellé, il se trouve obligé de quitter Rome.

La première période parisienne (1638-1652)

A son arrivée à Paris, il se lie très étroitement avec Louis du Guemier, peintre protestant dont il épouse la sœur Suzanne, veuve de l’ingénieur Nicolas Colsonnet, le 13 janvier 1641 au temple de Charenton. Ce mariage conforte ses liens avec le milieu protestant de peintres, orfèvres et marchands joailliers.
En 1643, le choix qui se porte sur lui pour le May annuel offert à Notre-Dame de Paris par la corporation des orfèvres, témoigne de sa notoriété.

L’œuvre : Le Crucifiement de saint Pierre, se trouve toujours à Notre-Dame.

Peinture du crucifiement de saint Pierre par Sébastien Bourdon


Son fils Abraham, né en 1648, est baptisé au temple de Charenton, avec comme parrain Abraham Bosse.
La même année, Sébastien Bourdon participe activement à la fondation de l’Académie et fait partie des douze « Anciens ». Dès le début, il semble au centre d’un groupe actif de cette institution, qui comprend son beau-frère du Guemier, les deux Testelin, Ferdinand Elle, Samuel Bernard, Thomas Pinagier et Abraham Bosse.

Ces années voient Bourdon présent à Stockholm en 1652-1653. Malgré sa brièveté, ce séjour compte beaucoup pour le prestige de l’artiste que s’attache un des souverains européens, la reine Christine de Suède.
De 1653 à 1657, Bourdon est à nouveau présent à Paris où il reçoit d’importantes commandes dans le climat d’après la Fronde favorable aux artistes.
Puis en 1657-1658, Bourdon va à Montpellier où il a reçu la commande de La Chute de Simon le Magicien, destiné au maître-autel de la cathédrale Saint-Pierre où il se trouve toujours. Au cours de ce séjour, il peint aussi de nombreux portraits.

La dernière période parisienne (1658-1671)
Après le décès de sa femme en septembre 1658, Bourdon se remarie avec Marguerite Jumeau, fille d’un marchand de Tours. Le mariage est célébré au temple de Charenton par le célèbre pasteur Drelincourt. La nouvelle épouse faisait vraisemblablement partie du groupe des amis protestants de du Guemier.

On retrouve ce cercle avec le baptême du fils d’Henry Testelin, Sébastien, dont Bourdon est le parrain au temple de Charenton le 11 novembre 1665. L’enfant qui mourra en 1669, sera enterré aux Saints-Pères, en présence de Bourdon.
L’artiste lui-même meurt le 8 mai 1671 et est enterré le 10 au cimetière du faubourg Saint-Germain.
Tous les enfants de Sébastien Bourdon ont été enterrés au cimetière des Saints-Pères.
Seule Anne, l’unique survivante des enfants, née en 1653 est encore vivante en 1687 ; mais à cette date, elle avait quitté le royaume à la suite de la Révocation.

Bourdon et la Bible

Comment la foi de Sébastien Bourdon transparaît-elle discrètement dans ses œuvres religieuses?

Il s'attache à des thèmes du Nouveau Testament admis par l'iconographie protestante, comme les miracles, l'enseignement du Christ, tout en étant dans sa maturité influencé par Poussin.

-Lorsqu'il  illustre l'Ancien Testament il élude tout ce que l'œil humain ne saurait voir (selon le précepte de Calvin) et dépouille par exemple, de leurs ailes les trois anges rendant visite à Abraham...

 Pour sa série des "Ouvres de miséricorde" Sébastien Bourdon, "peintre protestant" se démarque en choisissant des héros de l’Ancien Testament et non de la vie du Christ comme chez les peintres catholiques.

Il faut connaitre sa Bible pour identifier ces scènes ! 

 -c’est Abraham qui nourrit les affamés, les trois anges étant « accueillis dans les règles, s’installent aux tables et prennent leur repas » (Genèse 18) .

-Abdias donne à boire aux cent prophètes qu’il cache, poursuivis par la fureur de Jézabel (1 Rois 18).

-Loth ouvre sa maison aux étrangers menacés par le peuple de Sodome (Genèse 19).

 -Job s’occupe de vêtir les nus (Job 31. 19).

-Tobie quitte son repas pour enterrer les morts. Tobie est un poncif pour illustrer l’obligation d’enterrer les morts. Le texte qui accompagne la gravure - des corps tués par le soldat sur ordre du tyran - pourrait être une allusion politique à la menace qui pèse sur les protestants à cette époque. Et sans doute la dédicace à Colbert vise-t-elle à trouver un protecteur de la communauté réformée.

-Quant aux malades qu’il faut soigner, là encore le choix est inattendu. David s’humilie pour faire cesser la peste qui accable son peuple, envoyée par Dieu pour punir les fautes du roi (1 Chroniques 21).

Il n’est pas impossible que Bourdon suggère un parallèle entre David et Louis XIV qui provoque le malheur de son peuple par manque de vertu. On peut aussi faire une lecture théologique de l’épisode : l’homme est pécheur, et seul Dieu peut guérir. 

 -La charité envers les prisonniers est assurée par un personnage  moins connu : Nebouzaradan (Jérémie 40), général de l’armée du roi de Babylone, fait libérer Jérémie qu’il retenait enchaîné, et lui offre des présents.Ce choix de scènes cache en creux un plaidoyer pour la tolérance. Bourdon  l'avait dédicacé à Colbert protecteur de l'Académie de peinture, vers 1668, alors que le roi avait déjà commence à durcir sa politique envers les protestants... 



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