11 avril 1492. Marguerite de Navarre, croyante et poète

publié le 11 April 2023 à 02h01 par José LONCKE

11 avril 1492, naissance à Angoulême de Marguerite de Navarre (1492-1549).

11 avril 1492. Marguerite de Navarre, croyante et poète

Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre (1492-1549) est la sœur chérie de François Ier, ce qui va lui être précieux pour protéger quelque peu la liberté de penser et de prier. Elle est la grand-mère du futur Henri IV, mais elle n’est pas qu’une sœur et une mère, elle est également une femme géniale, ayant eu un vrai rayonnement et ayant laissé une œuvre importante.

Elle a soutenu Lefèvre d’Étaples et Briçonnet, évêque de Meaux, et bien des protestants les protégeant à Paris tant qu’elle a pu, puis les abritant dans son château de Nérac. Elle a protégé ainsi l’humanisme biblique qui travaillait à libérer les Ecritures du carcan de l’Eglise romaine. Elle fonde pour cela en 1530 (avec l’aide de son frère) le Collège des Lecteurs royaux (futur Collège de France) où vont être étudiées le grec et l’hébreu biblique écartés de l’enseignement de la Faculté de Théologie de Paris (Sorbonne).

Marguerite de Navarre est avant tout une croyante sincère et une poète de premier rang. Elle a exprimé dans son "Miroir de l’âme pécheresse" (1531 et 1533), les élans de son âme et ses convictions. Il n’y est  fait mention ni des Saints, ni du Purgatoire, ni d’autre Rédemption que celle de Jésus-Christ.

Avec quel cœur déchiré elle regrette sa misère passée et crie à Dieu : « Je vous ai laissé » :

« Laissé vous ai, pour suivre mon plaisir :
Laissé vous ai, pour un mauvais choisir,
Laissé vous ai, source de tout mon bien,
Laissé vous ai, en rompant le lien
De vrai amour et loyauté promise.
Laissé vous ai, mais où me suis-je mise ? »

Maintenant enfin, elle est justifiée par la foi ; la mort de Jésus a satisfait pour elle la justice de Dieu :

« Plus je ne crains de nul être défaite,
Car justice est de tout satisfaite.
Mon doux époux en a fait le paiement,
Si suffisant et tant abondamment
Que justice de moi ne peut vouloir
Rien, que de lui elle ne puisse avoir. »


« Hélas, mon Dieu, sauve-moi
Je ne sais que devenir :
En moi nul bien je ne vois
De toi seul il doit venir.

Tout mon salut gît en Toi.
Je le veux bien soutenir.
Je suis d’une part la loi
Qui ne peut que me punir.

Par la grâce et par la foi
Plaise-toi me prévenir ;
L’homme est moins que rien de soi
S’il ne te plaît le tenir.

Tu es mon tout, je le crois ;
Fais-moi à toi parvenir.
Tire-moi du désarroi
Où tu me vois retenir.

Paye donc ce que je dois
Et à toi me veuille unir.
Hélas, mon Dieu, sauve-moi.
Que pourrais-je devenir ?


Cette foi l’assure de son salut :

« Y a t-il rien qui me puisse plus nuire
Si Dieu me veut par foi à lui conduire ?
J’entends la foi toute telle qu’il faut
Digne d’avoir le nom du don d’en haut,
Foi qui unit par charité ardente
Au créateur la très humble servante. »

Confiante alors, elle s’écrie :

« Qui sera-ce donc qui me tirera
De sa grâce et m’en séparera ? »

 
Le beau lyrisme de ces vers dans lesquels Jésus s’adresse à la mort :

« Quand tu viendras appeler mes élus
qui sont en moi tous écrits et relus,
pour leur montrer et présenter ta face,
je te défends que n’uses de menace.

Quand tu viendras à eux te présenter
Ne les viens point de désespoir tenter…
Je te défends par édit authentique
Que de l’Enfer une seule réplique,
Un seul souci, penser ou souvenir,
Scrupule ou peur ne leur fasse venir…
Plus ne viendras de deuil noire et blêmie,
Mais leur seras une courtoisie amie,
L’accès, l’apport, la douce messagère
De mes amours ; et comme ma portière,
Leur ouvriras bénignement mon huis,
Disant : Voilà la fin de vos ennuis. »

Lisons encore ces quelques vers extraits des chansons spirituelles;

      « A la claire fontaine
     A l’eau vive au parfait don,
Tous les pauvres pécheurs appelle
      Dieu tout seul bon
Pour recevoir en abandon
        Le doux pardon.

  «  Venez tous, boire l’eau
 Qui pour tous les maux est saine,
 Venez au breuvage neuf
 De la nouvelle fontaine.
Au sang de l’agneau occis
  Qui blanchît tous les noircis,
  Et ne requiert que grands mercis.
Dits d’amour, pour sa peine.

 « Or, courez vite, pécheurs !
A cette eau pure et si belle !
Et remplissez tant vos cœurs
Que vous puisiez tous par elle
Bien lavés de tous péchés
Dont vous êtes tant tachés,
Entrez, d’amour détachés,
Dans la vie éternelle. »

Lisons enfin ces vers de son "Cantique Spirituel" :

Je n'ai plus ni père, ni mère,
Ni sœur, ni frère
Sinon Dieu seul auquel j'espère,
Qui sur le ciel et terre impère* ;
Là-haut, là-bas,
Tout par compas ;
Compère, commère,
Voici vie prospère.

Je suis amoureux non en ville,
Ni en maison, ni en château,
Ce n'est de femme ni de fille
Mais du seul bon, puissant et beau :
C'est mon Sauveur
Qui est vainqueur
De péché, mal, peine et douleur ;
Et a ravi à soi mon cœur.
Je n'ai plus, etc.

J'ai mis du tout en oubliance
Le monde et parents et amis,
Biens et honneurs en abondance,
Et les tiens pour mes ennemis.
Fi de tels biens,
Dont les liens
Par Jésus-Christ sont mis à rien,
A fin que nous soyons des siens.
Je n'ai plus, etc.

Je parle, je ris et je chante
Sans avoir souci ni tourment,
Amis et ennemis je hante,
Trouvant partout contentement :
Car par la Foi
En tous je vois
Leur vie, qui est, je le crois,
Tout en Tout, mon Dieu et mon Roi.
Je n'ai plus, etc.

Or puis donc que Dieu est leur vie,
Et que je le crois Tout en tous,
Il est mon ami et m'amie,
Père, Mère, Frère et Époux ;
C'est mon espoir
Mon sûr savoir ;
Mon être, ma force, pouvoir,
Qui m'a sauvé par son vouloir.
Je n'ai plus, etc.

Las ! que faut-il plus à mon âme
Qui est tirée en si bon lieu,
Sinon se laisser en la flamme
Brûler de cette amour de Dieu ?
Et en brûlant,
Le consolant
D'amour, qui rend le cœur volant,
Et sans fin la bouche parlant,
Je n'ai plus, etc.

Amis contemplez quelle joie
J'ai, étant délivre de moi,
Et remis en la sûre voie
Hors des ténèbres de la Loi.
Ce réconfort
Est si très fort,
Que rien plus ne désire, au fort
Qu'être uni à lui par ma Mort.
Je n'ai plus, etc.

 

Si Dieu m'a Christ pour chef donné,
Faut-il que je serve autre maître ?
  S'il m'a le pain vif ordonné,
  Faut-il du pain de mort repaître ?
S'il me veut sauver par sa dextre,
Faut-il en mon bras me fier ?
  S'il est mon salut et mon être,
  Point n'en faut d'autre édifier.
S'il est mon seul et sûr espoir,
Faut-il avoir autre espérance ?
  S'il est ma force et mon pouvoir
  Faut-il prendre ailleurs assurance ?
Et s'il est ma persévérance,
Faut-il louer ma fermeté ?
  Et pour une belle apparence,
  Faut-il laisser la sûreté ?
Si ma vie est en Jésus-Christ,
Faut-il la croire en cette cendre ?
  S'il m'a donné son saint écrit,
  Faut-il autre doctrine prendre ?
Si tel maître me daigne apprendre,
Faut-il à autre école aller ?
  S'il me fait son vouloir entendre,
  Faut-il par crainte le celer ?
Si Dieu me nomme son enfant,
Faut-il craindre à l'appeler père ?
  Si le monde le me défend,
  Faut-il qu'à son mal j'obtempère
Si son esprit en moi opère,
Faut-il mon courage estimer ?
  Non, mais Dieu, qui partout impère*,
  Faut en tout voir, craindre et aimer.

* règne


Mon seul Sauveur, que vous pourrais-je dire ?
Vous connaissez tout ce que je désire ;
Rien n'est caché devant votre savoir ;
Le plus profond du cœur vous pouvez voir
Par quoi à vous seulement je soupire.

Je n'ai espoir en roi, roc ni empire ;
Si non en vous ; le demeurant m'empire ;
Car je vous tiens Dieu ayant tout pouvoir,
Mon seul Sauveur.

Et si à vous, par vous, je ne me tire,
Rien je ne sais qui m'éloigne ou retire,
Hors de ça bas meurt corps, pensée, vouloir.
Doncques, daignez à votre oeuvre pourvoir,
Que sauvée soit, par votre grand martyre :
Mon seul Sauveur.

  Cette grande dame mourut en 1549 en prononçant le nom de Jésus.

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