Gérer son engagement, éviter le burn-out dans le ministère

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Les pasteurs sont souvent tentés de confondre hyperactivité et consécration. Pas étonnant dès lors que le ministère pastoral soit source de souffrances qui risquent à terme de le saper.

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Gérer son engagement, éviter le burn-out dans le ministère

Comment servir dans la durée, sans s'épuiser ? Comme toute profession qui est centrée sur les besoins des autres, le ministère pastoral est un métier à risques, car le danger de l'épuisement guette ceux qui y sont les plus consacrés.

Quel regard portons-nous, nous les pasteurs, sur la question de la gestion de nous-même dans notre service ? Quelle place donnons-nous aux questions d'hygiène de vie ? Peut-être que nous avons tendance à dire : ces choses là, c'est pour les autres ! Voire même : n'est-ce pas plutôt égoïste de vouloir penser à ses propres besoins, alors qu'il y a toujours tant à faire ?

Pour certains, le mot soi rime avec nombrilisme, égoïsme, centré sur soi... De plus, beaucoup trouvent bizarre de croire que l'on serait appelé à prendre soin de nous alors que nous sommes appelés à mourir à nous-même !

Parmi les défis rapportés par ceux qui sont dans le ministère figurent la difficulté de gérer son temps et le besoin de trouver l'équilibre entre les besoins de sa famille et les besoins du ministère qui sont sans fin. La difficulté est encore plus grande quand il n’y a pas de cahier des charges. D’après des enquêtes outre-atlantique, 75% des pasteurs vivent des niveaux de stress suffisamment élevés pour risquer le burn-out. Les chiffres ne sont pas meilleurs chez les conjointes. Par contrecoup, celles-ci payent elles aussi le prix de la vocation de leur mari lorsqu’il est pris dans un tourbillon d'activités.

Les pasteurs sont nombreux à avoir du mal à respecter (et à faire respecter) leur jour de congé et à se reposer sans culpabilité. Ils ont peu de loisirs qui les sortent de leur univers pastoral. L'équilibre est d'autant plus difficile à trouver lorsqu’ils vivent sur leur lieu de travail.

L'éthique protestante du travail est peut être partiellement responsable de cet état de fait : plus je travaille, plus je vais produire ! Pire, notre besoin de prouver notre identité et notre valeur peut nous pousser à croire que plus nous produisons pour Dieu, plus il sera content de nous !

SERVIR DIEU AU DETRIMENT DE SOI-MEME ?

J'ai entendu dire par un médecin que les pasteurs sont les plus durs à traiter parce qu'ils ne prennent pas soin d'eux-mêmes. Certains pensent que la souffrance est normale et nécessaire. « Après tout ce que Christ a souffert pour moi, je n'ose pas faire autrement ! » D'autres prétendent que trouver plaisir et s’épanouir dans le service pour Dieu ne peut indiquer qu'une chose : ils ne sont pas à la place voulue par Dieu. D'ou viennent de telles notions ?

Bien souvent, l'Église est servie au détriment de la famille. Certains vont tenter de justifier cette notion pervertie du service en la spiritualisant : « Je suis appelé à servir Dieu ». Cela sous-entend que servir sa famille et servir Dieu seraient en opposition, alors que l'un fait partie intégrante de l'autre.

Certains iront jusqu'à penser que Dieu va compenser leurs négligences : « Parce que je me dévoue pour Dieu, il compensera pour les besoins que je néglige : les besoins émotionnels de ma conjointe et de mes enfants (le Seigneur sait que je n'ai pas le temps pour eux), mes besoins financiers pour l'avenir (Dieu pourvoira à ma retraite), mes besoins physiques (Dieu sait que j'ai plus urgent à faire que de me soucier des questions d'hygiène de vie)… »

Dieu nous appelle-t-il à le servir au détriment des besoins légitimes avec lesquels il nous a créés ? Croire que Dieu va compenser nos négligences ressemble davantage à de la présomption qu’à de la foi. Quand est-il de nos besoins spirituels ? De nombreux pasteurs ont du mal à se nourrir de la Bible simplement pour eux-mêmes et pas en vue de la prochaine prédication.

Les trois témoignages suivants illustrent bien les conséquences de nos négligences :

 « En servant le Seigneur et en nous engageant à fond pour lui (accueil, hospitalité, écoute, activités d'Église...), nous avons négligé notre vie de couple et nos enfants, et nous sommes aujourd'hui en crise et au bord du divorce ».

 « Je suis dégoûtée du ministère. J'ai le sentiment que mon mari m'a trahie et m'a abandonnée. C'est un mari infidèle car il entretient une liaison avec une maîtresse. Sa maîtresse s'appelle l'Église ».

 « Je suis fatiguée d'être reléguée au second plan. Mon mari est adultère. Il vit un adultère spiritualisé avec sa paroisse, et l'Église toute entière l'approuve parce que tout le monde admire son dévouement sans limites. Mais nos enfants disent que l'Église leur a volé leur papa, que Dieu leur a volé leur papa ».

Des paroles fortes, choquantes, mais qui expriment une souffrance bien réelle... L'évangéliste D. L. Moody (1837-1899) aurait dit : « La famille fut établie bien avant l'Église. Mon devoir est donc d'abord envers ma famille ».

Bien entendu le danger inverse existe lui aussi lorsque le pasteur est tellement soucieux de préserver sa vie de famille ou qu’il pose des limites trop rigides et manifeste un manque de flexibilité. C’est alors le travail qui en devient déficitaire. Comme il est difficile de ne pas tomber dans l'un ou l'autre extrême !

LES FAUSSES VERITES QUI REGISSENT NOS MINISTERES

Y aurait-il des fausses vérités entretenues par rapport au ministère, qui nous piègent ?
En voici quelques-unes :

« Chacun au service de Dieu est indispensable à son œuvre » ;
« La mesure de l'amour, c'est de servir sans mesure » ;
« Puisque je puis tout par celui qui me fortifie, Dieu me donnera les forces pour assumer toutes les tâches que j'entreprends pour lui » ;.
« Les besoins des autres et de l'Église ont la priorité sur mes besoins et ceux de ma famille ».

Lorsque je voyage en avion, on m'annonce qu'en cas de dépressurisation de la cabine je dois d'abord mettre mon propre masque à oxygène, avant d'aider mon enfant à mettre le sien. À première vue, cela peut paraître égoïste de chercher à m’occuper d’abord de moi. Après tout, le message de l'Évangile ne nous incite-t-il pas à mettre les autres en premier ?
Toutefois, si je pense devoir sacrifier mes besoins fondamentaux en faveur des autres, comment serai-je en mesure d'être à leur service avec joie et efficacité ? Si je me mets moi-même en difficulté parce que je néglige mes besoins de ressourcement, comment vais-je trouver l'énergie pour servir Dieu ?

L'éducation que nous avons reçue nous amène à intérioriser certaines croyances qui peuvent avoir des conséquences sur notre manière de gérer notre temps et nos engagements et contribuer à notre épuisement. Ci-dessous quelques exemples :
Mon éducation :                                  Message reçu et intériorisé :
"Sois persévérant, ne te relâche pas"    "Je dois rester actif, occupé"
"Sois fort, sois courageux"                   "Je dois cacher ma souffrance, ma peur, mes faiblesses"
"Ne sois pas difficile"                           "Je dois tout accepter, que cela me plaise ou pas"
"Sois attentionné"                               "Je dois me sacrifier pour les autres"
"Sois obéissant et soumis"                   "Je dois me laisser faire"
"Sois gentil"                                        "Je ne dois pas m'affirmer"
"Ne fais pas de vagues"                       "Je n'ose pas être moi-même"
"Ne te plains pas"                                "Je n'ose pas poser de limites"
"Pense aux autres"                              "Prendre soin de nous-mêmei est un acte égoïste"
"Les besoins des autres passent avant tes besoins"    "Je n'ose pas prendre du temps pour moi"
"Le bonheur des autres passe avant ton bonheur"    "Je suis responsable d'assurer ou de maintenir la satisfaction ou l'approbation des autres"
"Débrouille-toi"                                    "Je n'ose pas parler de mes besoins, demander l'aide des autres, ou m'appuyer sur les autres ; je dois tout assumer seul"

LES FACTEURS DE FRAGILISATION LIES A NOTRE HUMANITE

Dans 2 Corinthiens 4.7-10, l'apôtre Paul parle non seulement des difficultés de son ministère, mais aussi de sa propre fragilité, ce vase d'argile qu'est son corps, cet aspect de notre humanité que nous avons tendance à minimiser ou à spiritualiser. Cela nous place devant une réalité incontournable : parce que nous sommes des vases d'argile, nous avons tous, quelque part dans nos vies, un ou plusieurs domaines ou situations de fragilité que nous devons apprendre à accepter et à gérer.

Il suffit de lire 2 Corinthiens 11.23-12.10 pour constater les nombreux facteurs de fragilisation auxquels Paul était confronté. Pour nous, ce ne sont pas des naufrages et des brigands, mais souvent des problèmes de santé, physique ou émotionnelle, et des problèmes de relations. Les échardes dans notre chair peuvent être multiples : une prédisposition à la dépression ou à l'anxiété, des migraines, une maladie chronique, un problème de stérilité, une vie de couple difficile, des parents qui prennent de l'âge et dont il faut s'occuper, un enfant malade ou difficile et rebelle...

Autant de facteurs, et bien d'autres encore, qui peuvent nous fragiliser à différents moments du vécu de notre ministère. Ainsi, compte tenu du fait que nous sommes des vases d’argile et fragiles, pouvons-nous faire l'économie de prendre soin de nous-mêmes ?

L'EPUISEMENT PROFESSIONNEL : UN DANGER REEL QUI GUETTE LES PASTEURS

L'épuisement professionnel (ou le burn-out) est connu pour être particulièrement élevé chez ceux qui prennent soin des autres. Le terme burn-out, qui vient de l'anglais, est emprunté à l’aéronautique. Il désigne l'extinction de la flamme de la fusée, lorsque le carburant est épuisé. Chez l'être humain, c'est un état qui noircit tous les tableaux et qui empêche de discerner avec objectivité. La victime n'a plus goût à rien. Elle est vidée, et sa capacité à prendre des décisions, à affronter les circonstances et les difficultés, est fortement diminuée.  

Le premier à étudier le burn-out est le psychologue H.J. Freudenberger, en 1975. Il décrit ce phénomène comme « un état de frustration ou de fatigue émotionnelle engendrées par le dévouement à une cause, à une manière de vivre ou à une relation qui n'a pas produit le résultat attendu ». Cela met en lumière le problème des attentes déçues et suffit pour comprendre pourquoi les personnes dans le ministère sont sujettes à l'épuisement. Le ministère brise nos rêves et nos illusions !

En 1980, selon le chercheur C. Cherniss, le burn-out est « un processus par lequel l'engagement de la personne dans son travail est progressivement amoindri par le stress et les difficultés inhérentes à son travail ». Cette définition souligne combien la motivation du sujet est atteinte, car celui-ci a perdu la passion pour le travail qu'il fait.

Une définition plus complète est donnée par C. Maslach en 1982 :
« Le burn-out est un syndrome d'épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction d'efficacité qui atteint ceux qui sont au service des autres. C'est une réaction à la fatigue chronique et nerveuse qui s'installe lorsqu'on doit assumer un rôle ou un travail qui est centré sur les besoins des autres ».

Selon cette dernière définition, l'épuisement est le piège qui guette celui qui prend soin des autres, que ce soit un soin physique, psychique ou spirituel. Ceci explique pourquoi le burn-out touche en particulier les médecins, les infirmiers, les psys, les éducateurs, les enseignants et les responsables d'Église.

Dans le contexte pastoral, le burn-out touche souvent les plus dévoués. Alors que le dévouement est une bonne chose, c'est le dévouement à l'excès, sans limites, qui met le pasteur en danger. L'effet pervers du dévouement est la gratification qu'il procure lorsqu'on récompense par des louanges ceux qui sont les plus consacrés : « Quel pasteur incroyable ! Il est toujours prêt à mettre la main à la pâte. Toujours disponible pour les autres. On peut l'appeler à n'importe quel moment. C'est merveilleux ! L'Église en a vraiment pour son argent avec lui ! »

Quand on entend ce genre de réflexion, on peut se demander comment la conjointe et les enfants vivent la situation. D'autre part, une telle consécration risque de mettre son successeur en difficulté, car on attendra de lui le même niveau d'engagement et de disponibilité !

LES SYMPTOMES DU BURN-OUT

Le burn-out est un processus insidieux. Il faut s’en méfier parce que le sujet a souvent du mal à le reconnaître avant qu'il ne soit trop tard. Récupérer d'un burn-out peut prendre des années. Il est donc essentiel de prendre connaissance des symptômes.
Sur le plan physique, il peut y avoir certains des symptômes suivants : insomnies, maux de tête, tensions musculaires, palpitations, problèmes gastro-intestinaux, baisse des défenses immunitaires (rhumes fréquents, par exemple).

Sur le plan psychologique : sentiments d'échec et d'impuissance, de frustration et d'irritabilité, de découragement, de désillusion, de culpabilité et de pessimisme. Le sujet devient cynique et résigné. Il doute de lui-même, de ses capacités et de sa vocation. Il a envie d'éviter ceux qu'il est venu servir, il est pris dans un engrenage qui lui paraît incontrôlable et sans issue.
Sur le plan spirituel, sa motivation pour servir le Seigneur est au plus bas. Dieu semble loin, inaccessible, impuissant... Cela peut nous rappeler des personnages bibliques comme Jérémie ou Élie.

L'épuisement professionnel peut se résumer en six caractéristiques :
- La démoralisation : l'impression que ce que l'on fait n'a plus d'impact, plus d'importance, plus de valeur. Le sujet se sent inefficace. « À quoi bon alors que je ne vois pas de fruit ? »
L'ennemi de nos âmes en profitera pour nous accuser et nous culpabiliser. La tentation alors est de redoubler d'efforts pour arriver, malgré tout, à des résultats satisfaisants. Mais c'est un piège qui provoque un cercle vicieux (voir schéma).

INSERER SCHEMA

- La dépersonnalisation : elle se manifeste lorsque le sujet se traite lui-même et les autres de manière déshumanisante. À l’image du témoignage qui suit :
« Je néglige fortement mes jours de congés, vu mes divers engagements. Et quand je les prends, je suis trop fatigué pour faire quoi que ce soit. En parler avec mes collègues ne m'aide pas, car je vois qu'ils ne prennent pas de temps pour leur famille. Tout ce qui compte pour eux, c’est leur ministère. Je ne peux plus entrer dans cette manière de faire. Agir ainsi, c’est réduire les serviteurs de Dieu à des bêtes de somme. Tout ce qui compte, c’est le travail fourni (avec le danger que celui qui est considéré, c’est celui qui abat le plus de travail). J’aime mon ministère, mais travailler ainsi enlève beaucoup de joie et de motivation ».
Se traiter comme une bête de somme, ou être traité ainsi par les autres, devient profondément déshumanisant. Tout comme le pasteur qui voit ses paroissiens comme des cas à traiter dont il veut se débarrasser au plus vite. Lorsque le téléphone sonne, c'est « encore un paroissien...! » Les autres sont ainsi réduits à des objets, voire à des obstacles.

- Le détachement : le sujet n'accorde plus la même importance à ses responsabilités. Il est fatigué d'être toujours là pour les autres. L'indifférence s'installe. Il rêve de se retirer de toute responsabilité. Le cœur n'y est plus et la passion pour le service a disparu car il n'y a plus de carburant dans le réservoir. Ainsi en témoigne ce pasteur : « J'ai perdu toute motivation pour préparer les prédications. Je n'arrive plus à rendre visite aux gens ».

- La distanciation : le sujet met de la distance dans ses rapports avec autrui. Il n'a qu'une seule envie : fuir, partir sur une île, ne plus devoir répondre à aucune sollicitation.

- Le défaitisme : le sentiment d'être vaincu, d'être en échec et de vouloir abandonner.

- La désillusion : le travail pour le Seigneur n'est pas comme on l'avait imaginé. Le sujet a l'impression de se fatiguer pour rien. Il devient frustré, amer, cynique et désenchanté.

UNE DEFORMATION DE LA PERCEPTION

Un aspect récurrent parmi les symptômes du burn-out est une déformation de la perception. Le sujet devra en prendre conscience. En effet, il ne pourra pas continuer à être au service des autres alors qu'il a envie de les éviter puisqu’il a perdu la passion pour son ministère et qu’il pense que ses efforts sont vains.

L'épuisement s'installe aussi à cause de certains fonctionnements que nous adoptons dans le ministère, des fonctionnements que nous pouvons changer lorsque nous en devenons conscients.

DES SENTIMENTS DE CULPABILITE ET DE FRUSTRATION

Les enquêtes auprès des pasteurs révèlent que le plus grand facteur de stress provient du fait qu'ils n'arrivent pas à accomplir leur rôle de conjoint et de père au sein de leur propre famille. Autrement dit, ils n'arrivent pas à trouver l'équilibre entre la vie de famille et le ministère. Ceci engendre pour eux un énorme sentiment de culpabilité.

Pour les épouses de pasteurs, le plus grand facteur de stress provient du fait qu'elles n'arrivent pas à exprimer leurs vrais sentiments de frustration à leurs maris. Le témoignage qui suit est éloquent : « Parce que mon mari sert le Seigneur, je me sens coupable et égoïste si je me plains du fait qu'il est trop chargé par les affaires de l'Église. Comment en vouloir au patron de son mari quand son patron, c'est Dieu ? Donc je me tais... »  

LA DIMENSION NEUROBIOLOGIQUE DU BURN-OUT

Face à une situation de stress, le cerveau envoie un signal qui libère le cortisol, une hormone bénéfique qui nous aide à gérer le stress, qui nous donne de l'énergie, qui améliore nos réflexes et notre mémoire, et qui renforce notre système immunitaire. Cependant, le stress chronique qui mène au burn-out provoque une surproduction de cortisol, produisant l'effet inverse : les neurones rétrécissent ou meurent, ce qui provoque la perte de mémoire, l'augmentation d'anxiété et d'agressivité, les troubles de l'humeur et la perte de la capacité à ressentir du plaisir. Cela explique pourquoi la personne épuisée n'a plus goût à rien.

Heureusement, le cerveau a une certaine résilience qui lui permet de réparer les neurones endommagés, un fois que le stress chronique est éliminé. Mais il faut lui en donner les moyens par une meilleure hygiène de vie : détente, exercice physique, alimentation équilibrée, accompagné d'une gestion saine de ses engagements et ses priorités. Cela va aussi augmenter les niveaux de sérotonine et de dopamine, les neurotransmetteurs qui influencent l'appétit, l'humeur, le sommeil et la capacité à ressentir du plaisir.

BURN-OUT OU STRESS ?

Quelle est la différence entre le burn-out et le stress ?
• Le burn-out est une défense caractérisée par le désengagement. Le stress est caractérisé par le sur-engagement.  
• Le burn-out est le résultat d'un niveau de stress permanent sur une longue durée. Un grand stress a une durée limitée.
• Le burn-out produit des émotions émoussées. Le stress produit des émotions excessivement réactives.
• L'épuisement du burn-out atteint la motivation, la passion et le dynamisme. L'épuisement du stress atteint surtout les capacités physiques (énergie, concentration).
• Le burn-out produit la démoralisation. Le stress provoque la désintégration et l'usure sur le plan physique.
• Le burn-out produit des sentiments d'impuissance et de désespoir. Le stress produit des sentiments d'urgence et d'hyperactivité.
• Le burn-out met rarement votre vie en danger mais vous avez le sentiment que votre vie ne vaut plus la peine d'être vécue car elle a perdu son entrain, sa saveur et sa joie. Le stress, lui, risque de vous tuer prématurément à cause de ses effets sur le corps.

BURN-OUT OU DEPRESSION ?

Même si le burn-out et la dépression ne sont pas la même chose, les symptômes peuvent se ressembler. Le burn-out est lié à un état de stress chronique qui s'installe par rapport à un contexte de travail ou de vie difficile, alors que les causes de dépression sont multiples et variables. Notons, cependant, que la dépression sera souvent un symptôme du burn-out, et un burn-out finira parfois par engendrer une dépression majeure.

LES CAUSES D'EPUISEMENT PASTORAL

Dans mes entretiens avec des pasteurs épuisés, j'observe souvent un ou plusieurs des facteurs suivants, sous une forme ou une autre :
• La préoccupation des performances et une identification trop étroite au ministère. L'identité de la personne est devenue indissociable de sa fonction.
• La difficulté de fixer des limites à ses engagements et de gérer les multiples attentes du ministère.  
• L'absence de marge dans la vie du ministre qui est la conséquence de ne pas savoir poser des limites justes et saines.
• La méconnaissance de ses propres limites et capacités, ayant pour conséquence la difficulté de cibler ses efforts.
• La solitude de la fonction pastorale et le manque de vis-à-vis qui devrait servir de garde-fou contre l'épuisement.
• Les difficultés relationnelles dans l'Église qui sapent l'énergie du couple pastoral. C’est toute la question de la gestion du conflit qui mériterait d’être traité comme un sujet à part entière.
• Un cahier de charges absent, ambigu ou peu réaliste. Si les attentes et les contours n'ont pas été suffisamment clarifiés par l'Église et le pasteur, le travail pastoral sera jugé selon l'idée que chacun se fait de ce qu'un pasteur devrait faire. De plus, l'ambiguïté autour de qui fait quoi, et les malentendus qui en résultent, seront facteurs d'épuisement. D'autre part, celui qui fonctionne sans cahier des charges risque de se disperser, en se noyant dans tout ce qu'il y aurait à faire.
• Un décalage entre les attentes de l'Église et les capacités du pasteur. Je suis convaincu que l'on ne peut pas appeler n'importe quel pasteur à servir dans n'importe quelle Église. Chacun a son profil respectif et particulier : le pasteur avec ses dons et l'Église avec ses besoins.

Cela dit, le facteur d'épuisement le plus répandu provient tout simplement de notre tendance à négliger nos besoins légitimes de repos et de ressourcement physique, émotionnel et spirituel.

D'où vient cette tendance ? Son origine se trouve souvent dans notre éducation : le rapport au travail transmis par notre famille d'origine et la société. Nous intériorisons facilement le message selon lequel chacun doit prouver sa valeur par le travail accompli. Il nous est donc difficile d'être dans le repos de Celui qui est notre berger et en qui nous ne manquerons de rien, ni dans notre valeur, ni dans notre identité.

DES CONTEXTES QUI EPUISENT LEURS OUVRIERS

Malheureusement, il existe bien souvent des œuvres et des Églises qui épuisent leurs ouvriers par leurs fonctionnements systémiques. En voici quelques exemples :
• Le pionnier qui fait un travail d'implantation d'Églises, sans jamais prendre de vacances en 15 ans. Un article paraît dans la revue de son union d'Églises, louant son sacrifice.
• Le missionnaire qui travaille à l'étranger et qui rentre pour voir ses quatre petits-enfants pour la première fois lorsque l'aîné a 10 ans et le cadet 3 ans. Il est pourtant souvent cité dans son milieu comme l'exemple d'un « grand homme de Dieu ».
• L'évangéliste qui, trois semaines sur quatre, laisse seuls à la maison sa femme et ses six enfants, parce qu'on lui fait croire qu'il est indispensable à l'œuvre de Dieu.
• Lorsque les Églises et les œuvres valorisent ces comportements en leur accordant une approbation implicite, cela renforce l'idée que l'œuvre vaut plus que l'ouvrier, que ce que nous accomplissons est plus important que tout autre chose.  

LE PROBLEME DE NOTRE THEOLOGIE FONCTIONNELLE

L'épuisement est parfois favorisé par une certaine philosophie ou théologie du ministère qui met l'accent moins sur la personne et davantage sur ses performances. Il s'agit de la tension récurrente entre l'être et le faire. Nous sommes sauvés par la grâce, certes, mais une fois dans le royaume, nous agissons comme s'il fallait travailler pour se montrer digne d'un tel cadeau !

Une telle approche révèle combien la grâce a du mal à imprégner nos vies. Alors que notre théologie formelle de la grâce nous dit que nous n'avons rien à prouver, nous vivons souvent selon notre théologie fonctionnelle, qui reflète ce que nous croyons réellement dans nos tripes. Nous sommes ainsi en tension entre notre théologie formelle, qui est composée de ce que nous avons acquis par notre intellect, et notre théologie fonctionnelle, qui est composée de nos croyances intériorisées et parfois inconscientes, mais qui régissent néanmoins notre manière de vivre. C’est cette dernière qui l'emporte souvent.

Ce décalage entre ce que nous croyons intellectuellement et notre manière de fonctionner suggère que la grâce n'est pas toujours la motivation principale dans notre service pour Dieu. Martin Luther a dit : « Ma vocation est la manière visible dont je traduis ma reconnaissance envers la grâce du Seigneur ». La motivation de Luther était fondée sur son élan de reconnaissance envers Dieu.

Qu'en est-il de nous ? Il se peut que notre motivation réelle vienne de notre besoin d'acceptation et de valorisation : « Si je ne produis pas, Dieu ne n'aimera pas ! » ou « Si je ne produis pas, je ne vaux pas grand chose ! » Ce fonctionnement sera parfois justifié par des prétextes du genre « tout ce qui importe, c'est l'avancement du Royaume de Dieu, donc il faut faire des sacrifices ».

Ainsi, le sujet devient excessivement exigeant envers lui-même : « Je veux être bon, je dois réussir, je vais montrer aux autres de quoi je suis capable. » Son perfectionnisme et son besoin de valorisation régissent sa vie, à tel point qu'il avouera : « Si je n'étais pas pasteur, je serais moins que rien ».

Chez un autre, cela se traduira par la peur de l'échec. Ayant vécu une situation d'échec avant d'entrer dans le ministère, le sujet se dira : « Si je réussis dans le ministère, cela prouvera que je suis quelqu'un de bien après tout ».

Même si la grâce figure dans la théologie formelle de ces pasteurs, leur théologie fonctionnelle est composée davantage des œuvres. Ils signeront facilement une déclaration de foi sur le salut par la grâce, et ils affirmeront que Jésus les aime tels qu’ils sont, mais leur fonctionnement révèle qu’ils veulent gagner la faveur de Dieu et celle des autres. Ainsi, leur service pour Dieu est moins motivé par la gratitude envers lui que par contrainte et devoir, par le besoin de prouver leur identité et leur valeur.

Il nous est facile de croire au mensonge que notre valeur vient d’ailleurs que du simple fait d'être enfant de Dieu. Il nous est facile également de croire que notre valeur vient de ce que nous accomplissons, de nos titres, de notre statut, de notre capacité à nous conformer aux attentes des autres. Beaucoup ont grandi sans la notion d'amour et d'acceptation inconditionnels. Le message sous-jacent dans leur éducation était plutôt : « Tu dois me plaire, sinon je ne t'aimerai pas ». Ainsi, celui qui n'a jamais eu l'approbation d'un père ou d'une mère (ce n'était jamais assez bien, jamais à la hauteur des attentes) risque de compenser ce manque par un fort désir de plaire à son Église, ce qui le poussera vers l'activisme qui mène à l'épuisement.

À chacun de se poser la question : « Ai-je une prédisposition à l'épuisement à cause de ma théologie fonctionnelle ? ». Vouloir se valoriser par son service engendre à son tour le problème de l'autosuffisance, du pasteur qui fait tout et qui a du mal à déléguer. Le pasteur s'en défendra en disant : « Je fais tout parce que mes paroissiens ne font rien ». Et de leur côté, les paroissiens diront : « Nous ne faisons rien parce que notre pasteur fait tout ! »

FONCTIONNER DANS LE REPOS

La grâce nous permet de nous reposer sur Dieu et en Dieu, et elle nous autorise à nous reposer de notre travail pour lui, car nous n'avons rien à prouver. Le Psaume 23 nous appelle à nous détacher de toute ambition personnelle par laquelle nous serions tentés de nous donner de la valeur. C'est parce que l'Éternel est mon berger que je ne manquerai de rien. Ma valeur, mon identité, mes besoins fondamentaux sont compris dans ce « rien ».

Dans son ouvrage sur la grâce, Philip Yancey précise qu'il n'y a rien que nous pourrions faire qui nous rendrait plus aimable à Dieu, et rien que nous pourrions faire qui nous rendrait moins aimable. La plus grande liberté est de ne rien avoir à prouver. Cette vérité est à la fois libératrice et facteur de repos.

Trouver ce repos intérieur parmi les multiples besoins qui réclament notre attention consiste aussi à pratiquer la présence de Dieu dans les éléments du quotidien ainsi que Frère Laurent en a témoigné au 17ème siècle.

Le repos vient également lorsque nous apprenons à lâcher prise par rapport aux situations que nous ne pouvons pas contrôler. Ainsi, nous laissons Dieu être pleinement souverain par rapport aux circonstances que nous ne maîtrisons pas, et nous nous reposons sur lui pour l'issue de toutes choses.

NOTRE NOTION DU SUCCES

La manière dont nous définissons le succès peut être facteur d'épuisement. Nous vivons dans une culture du résultat. Nous subissons une pression pour fournir des résultats visibles. Ceci provoque le découragement lorsqu'ils ne sont pas au rendez-vous, et l'orgueil lorsqu'ils le sont. Cela devient problématique lorsqu'on est dans le ministère car les résultats sont incontrôlables et peu quantifiables. Malgré cela, certaines Églises et œuvres ont des exigences tellement élevées que le serviteur s'épuise à vouloir atteindre ce qui est inatteignable.

Comment définir le succès dans le service chrétien ? À Ézéchiel, la couleur est annoncée. La réussite lui échappera car le peuple ne l'écoutera pas, mais sa mission sera accomplie s'il reste fidèle à la tâche que Dieu lui a confiée (voir Éz 2.1-7). Cet appel est libérateur, car quel que soit le résultat de son ministère, Ézéchiel n'aura rien à se reprocher. Matthieu 25.21 enseigne la même chose : « Tu t’es montré fidèle... » Et l'apôtre Paul affirme : « Moi j’ai planté, Apollos a arrosé, mais c'est Dieu qui fait croître » (1 Cor 3.6).

Le message est clair. Le succès dans le ministère se définit par notre obéissance et notre fidélité, quel que soit le résultat car celui-ci appartient à Dieu. Bien entendu, cela aura un impact sur la manière dont nous définissons nos objectifs, car il ne s'agit pas de récolter mais de semer, et d'être fidèle. Pourtant nous parlons souvent en termes de récolte : « Je vais gagner des âmes. Notre mission va implanter tant et tant d'Églises ».

L'ART DE FIXER DES LIMITES

Nous savons que la subtilité de l'adversaire est parfois de se servir de bonnes choses pour nous piéger. Ceux qui sont au service des autres sont facilement rendus inefficaces par une quantité de demandes et d'occasions de service, souvent bonnes en soi, mais qui finissent par les disperser et les épuiser. Le problème n'est pas la légitimité des demandes ou des projets, mais leur quantité. Tout ce qui nous pousse au-delà de nos limites vers l'épuisement constitue ce que Dieu ne nous demande pas de faire.

Qu'est-ce qu'une limite ? Dans nos relations humaines, nous avons besoin de savoir où est la limite entre nos propres responsabilités et pas celles des autres. La question est importante parce que notre responsabilité s'arrête là où celle de l'autre commence. Aussi par rapport à l'œuvre de Dieu : où se trouve la limite entre ma part et la sienne ? Quand est-ce qu'une demande, un besoin ou une opportunité de service devient ma responsabilité et pas celles des autres ? Quels sont les critères qui vont me permettre de faire la différence entre les deux ? Combien de fois accomplissons-nous les oeuvres bonnes préparées d'avance pour les autres et pas pour nous ?

Certains raisonnent selon le critère suivant : « Si on me demande de faire quelque chose, ou si une occasion se présente pour aider quelqu'un, rendre un service ou lancer un projet, cela vient de Dieu, donc je dois le faire ». Cette approche est une excellente manière d'accomplir énormément de choses pour Dieu, et aussi une excellente manière de s'épuiser ! Pourquoi ? Parce que ce fonctionnement ne permet pas de fixer une limite à son activité. Le sujet est motivé par tous les besoins qui l'entourent. Mais comme nous le savons, les besoins sont sans limites. C'est tout le problème !

Il nous incombe donc de limiter nos engagements, de cibler nos efforts, afin de respecter les limites de notre énergie. Une des leçons de la parabole des Dix vierges, dans Matthieu 25, est que les cinq qui avaient de l'huile ont dit « non » à celles qui n'en avaient plus, afin de prévenir l'épuisement de leur lampes. Savoir fixer des limites à autrui pour ne pas s'épuiser consiste à comprendre que si nous ne tenons pas compte de la quantité d'énergie qui nous reste et que si nous dépassons nos limites, non seulement nous allons souffrir, mais nous n'allons pas pouvoir servir les autres comme Dieu nous le demande.

En résumé, une limite nous permet de faire la différence entre nos besoins légitimes et ceux des autres, entre notre responsabilité et celle des autres, entre notre espace et celui des autres. Par exemple, ceux qui pratiquent souvent l'accueil et l'hospitalité doivent veiller à ce que les autres membres de la famille ne soient pas constamment envahis. Les limites ont aussi un rôle pédagogique dans nos relations. Celui qui dit oui à chaque demande risque de donner l'impression qu'il est toujours disponible, voire qu'il ne fait rien d'important.

LA SAGESSE DE REFUSER CERTAINS ENGAGEMENTS

Pourquoi avons-nous tant de mal à dire « non », à poser des limites face aux multiples sollicitations et besoins d'autrui ? Le fonctionnement de Jésus est frappant dans ce domaine. Il serait faux de prétendre que Jésus menait une vie bien programmée et ordonnée. Parfois il n'arrivait même pas à manger à cause de la foule. Mais sa vie était disciplinée et focalisée sur un objectif bien précis : accomplir la volonté de Celui qui l'avait envoyé. Lorsqu'on est dans le ministère, le danger est de confondre la volonté de Dieu avec les besoins de toutes les personnes qui nous sollicitent.

L'objectif de Jésus n'était pas de répondre aux besoins de tout le monde, car cela n'avait pas de fin. Avec les limites que son humanité lui imposait, notre Seigneur a su établir des priorités. C'est la raison pour laquelle il posait des limites aux autres. Parfois il renvoie la foule, parfois il s'en échappe, pour passer à autre chose ou pour créer de l'espace pour être avec le Père.

Notons que Jésus n'a pas été épargné par l'incompréhension et les critiques, car c'est le prix que nous devons parfois payer pour établir des priorités dans notre emploi du temps. Certains vont répondre : « Je n'ose pas dire non car je ne veux pas décevoir les autres ». Cela est peut-être louable en théorie, mais en pratique cela pousse le sujet à effectuer ses choix par la peur, comme dans les exemples suivants :

« Je pense que l'idée de mon collègue est mauvaise, mais si je lui dis quelque chose, il ne va pas l'apprécier et se fâchera contre moi ».
« Je pense qu'on me demande de faire trop, mais si je dis quelque chose, on pensera que je ne suis pas un bon pasteur ».
« Si je ne suis pas d'accord avec les anciens de mon Église, ma loyauté risque d'être remise en cause ».

Derrière toutes ces affirmations, le cri du cœur est le suivant : « Il ne faut pas que les autres soient déçus de moi. Il faut que je maintienne leur approbation, sinon ils ne vont plus m'aimer, et cela voudra dire que je ne suis pas quelqu'un de bien ». Cela révèle une peur du rejet qui pousse le sujet à tout faire pour éviter que les autres soient déçus. La conséquence est un risque d'épuisement par incapacité de poser des limites.

La réalité, parfois douloureuse pour certains membres de l’Église ou du Conseil, est que le responsable d'Église va devoir décevoir plusieurs parce qu'il ne pourra pas, voire ne voudra pas, toujours faire ce que veulent les autres.

En fonction de quoi allons-nous donc gérer notre temps, nos engagements et nos priorités ? Quand nous considérons les trois années de ministère de Jésus, nous constatons que le besoin n'est pas l'appel, même s'il peut constituer un facteur de motivation. L'appel n'est pas non plus déterminé par le simple fait d'avoir les dons et les compétences pour répondre à une sollicitation. Ce n'est pas parce que je peux le faire que je dois le faire ! Si nous ne comprenons pas cela, nous courons de gros risques d'épuisement.

Un ami m’a confié un jour : « Le jour où j'ai compris que je ne suis ni Dieu ni le Saint-Esprit fut le jour où je me suis libéré de la pression de tout assumer ». Jean Calvin a dit : « Nos limites donnent sens à notre vocation ». Parfois, nous avons du mal à savoir quand il faut dire "oui" et quand il faut dire "non" parce que nous ne sommes pas suffisamment au clair sur l'ordre de mission que Dieu nous a confié. Cette mission est personnelle, sur mesure, en fonction de notre profil particulier.

DISCERNER LES OEUVRES PREPAREES D'AVANCE

Éphésiens 2.10 affirme que nous avons été créés en Christ pour des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions. Mais savons-nous les discerner avec soin ? Il s'agit de marcher dans ce que Dieu a préparé pour nous, car nous ne voulons rater aucune œuvre qui est préparée par lui. Par contre, nous ferions mieux de ne pas faire tout le reste car nous risquons d'accomplir les oeuvres préparées pour un autre.

Comment savoir quelles sont les œuvres préparées d'avance ? Demandons à Dieu de nous les montrer. Face à chaque demande, chaque besoin, chaque opportunité de service, sachons demander : Seigneur, est-ce que cela est préparé par toi ? Sachons nous poser pour l'écouter, et sachons nous écouter nous-même afin d'analyser nos motivations.

Pour définir les contours de notre activité, pour nous donner un cadre et des limites, il est essentiel que la question suivante trouve une réponse :

Compte tenu des limites qui me sont imposées par le temps, par mes capacités physiques et mentales, et compte tenu de mes obligations auprès de mes proches, quelles sont les œuvres bonnes que Dieu voudrait que j'accomplisse ?

Autrement dit :

En sachant que je ne peux pas tout faire, sur quoi Dieu voudrait-il que je concentre mes efforts ?

LA DROGUE DE L'ACTIVISME

Certains se poussent au-delà de leurs limites à cause de leur dépendance à l'adrénaline libérée par l'activisme. Puisque le corps demande à être satisfait d'un niveau toujours plus élevé, cela devient une drogue.

Bon nombre de pasteurs se nourrissent du travail et de l'activité parce que cela leur donne une sensation d'énergie. Pour certains, l'action de prêcher procure une sensation forte grâce à l'adrénaline que cela produit. Mais il y a un prix. Ceux qui se nourrissent de leur activité peuvent en devenir tellement dépendants qu'ils n'ont pas conscience du besoin de repos que leur corps réclame, ce besoin étant masqué par la sensation d'énergie donnée par l'adrénaline.

Accessoirement, ces personnes finissent par se disperser et être insatisfaites parce qu'elles ont trop chargé le bateau, leur travail est bâclé et elles démarrent des projets qu'elles n'arrivent pas à terminer. Le vrai drame, cependant, se trouve dans le fait qu'elles ne savent pas quand il faut s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Car le jour viendra où le corps n'en pourra plus. Chez cette personne, que les anglophones appellent la "personnalité du type A", les risques de développer des problèmes cardio-vasculaires sont multipliés par trois. En effet, lorsque les hormones du stress comme l'adrénaline sont en quantité excessive, cela provoque le durcissement des artères.

La personnalité du type A est très orientée vers la production, le rendement, les résultats et l'accomplissement de la tâche. Elle est passionnée, entreprenante, impatiente et tolère mal les frustrations. Son comportement la prédispose à être stressée et à stresser les autres. Faire équipe avec elle peut vite devenir fatigant. Pourtant, ces personnes accomplissent énormément de choses, et nos œuvres et nos Églises en sont bien reconnaissantes. La plupart sont des visionnaires et des pionniers que nous récompensons par des louanges et par une charge grandissante de responsabilités. Il est donc impératif que ces personnes fassent attention afin que leur activisme ne mette pas leur santé en danger.

LE REPOS SABBATIQUE

Le principe biblique du repos sabbatique, dont l'origine remonte à la création, nous rappelle que toute la création a un rythme de vie à respecter qui est composé d'activité et de repos. Le repos sabbatique n'est pas une récompense qui ne vient qu'après avoir abattu suffisamment de travail pour le mériter. Dieu ne s'est pas arrêté le septième jour parce qu'il était fatigué. Le repos est tout simplement juste et bon en soi, car c'est un cadeau que Dieu nous a fait, tout comme le travail.

Le 4ème commandement nous autorise donc à nous dire : la volonté de Dieu pour aujourd'hui, c'est que je fasse autre chose que mon travail habituel. Ésaïe 30.15 nous interpelle et nous avertit : « C'est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, c'est dans le calme et la confiance que sera votre force... mais vous ne l'avez pas voulu ». C'est ce renouvellement régulier, bon et nécessaire, qui va nous fortifier pour le service et nous donner les moyens de servir dans la durée.

DONNER LA PRIORITE A LA VIE INTERIEURE

Le pasteur Richard Foster, auteur de l'Éloge de la discipline, rend le témoignage suivant : « La vie intérieure vient toujours d'abord. Après un certain temps d'immersion dans la vie extérieure, c'est-à-dire la vie publique du ministère et des besoins des gens, un certain épuisement s'installe. Cependant, j'ai remarqué que je m'épuise à l'intérieur bien avant que cet épuisement se manifeste dans mon comportement extérieur. Ainsi, je dois faire attention à ne pas devenir une boule d'activité, occupé avec les besoins des gens, mais vide à l'intérieur ».

Bien des personnes sont actives et entreprenantes dans leur ministère, mais vides et vidées dès qu'elles rentrent chez elles, n'ayant plus de quoi donner, ni à elles-mêmes, ni à leur proches. Elles s'écroulent sur le canapé, n'ayant pas l'énergie pour répondre aux besoins de leurs proches.

Il faut comprendre le syndrome du burn-out moins comme étant le résultat d'un « faire trop », que davantage comme le résultat d'un « faire avec plus rien à l'intérieur ». Notre état d'épuisement révèle le vide avec lequel nous essayons d'accomplir notre ministère.

Jésus était conscient non seulement du danger du surmenage, mais aussi du vide que cela produit. C'est la raison pour laquelle il se retirait des autres et partait seul dans la montagne. C'était le seul moyen pour lui de nourrir sa vie intérieure, par la prière, le silence, la tranquillité et la simplicité.

En l'an 1149, Bernard de Clairvaux adressa la lettre suivante au Pape Eugène III :

Article I
Comment peux-tu être vraiment présent pour les autres si tu t'es perdu toi-même ? Si tu passes toute ta vie en activités et si tu ne te crées plus d'espace pour le silence, je ne te soutiens pas. Commence à te découvrir, pour que tu ne t'oublies pas en allant vers les autres. À quoi te sert-il de gagner le monde entier si tu t'y perds ? Comment peux-tu être pleinement humain, si tu t'es perdu ? Toi aussi, tu es un être humain. Pour que ta bonté soit parfaite, tu ne dois pas seulement être là pour les autres, mais tu dois avoir un cœur attentif à toi-même. À quoi cela te sert-il de gagner le cœur des humains en t'y perdant ? Si toutes et tous ont le droit d'avoir une part de toi, sois alors aussi un homme qui a le droit de t'avoir. Pourquoi serais-tu le seul qui n'ait rien de toi-même ? Combien de temps encore offriras-tu ton attention à tous, sauf à toi-même ?
Tu te sens proche des sages et des fous et tu ne reconnais pas ce devoir d'être proche de toi-même. Tout le monde puise dans ton cœur comme si tu étais une fontaine publique et toi, tu restes assoiffé à côté. Laisse ton eau couler tranquillement à travers les places de Rome, mais avec tout le monde, bois aussi de l'eau de ta source. N'es-tu pas étranger à tous si tu restes étranger envers toi-même ? Oui, celui qui est mal avec lui-même, avec qui peut-il être bon ? N'oublie pas : offre-toi à toi-même ! Je ne dis pas : fais-le toujours, mais je dis : fais-le de temps à autre. Sois comme pour tous les autres : présent pour toi aussi.
(De Consideratione lib. 1, cap.5, n°6; 182, 734 A)

MAINTENIR DE LA MARGE

Bien des pasteurs sont en panne sèche sur le plan spirituel, et cela contribue à leur épuisement. C'est pourquoi je me réjouis de la redécouverte, encore bien timide dans nos milieux, de la richesse des pratiques anciennes de ceux qui nous ont précédés dans la foi : les disciplines spirituelles, la lectio divina, les exercices spirituels, prier avec l'imagination, prier le texte biblique, lire le texte avec les cinq sens, etc.

Cependant, pour créer l'espace nécessaire à l'alimentation de notre vie intérieure, il est primordial de maintenir suffisamment de marge dans notre emploi du temps et dans la gestion de notre énergie physique, émotionnelle et spirituelle. Pour cela, nous devons identifier nos besoins de ressourcement et fixer les limites nécessaires pour y répondre. Comme la jauge de carburant sur le tableau de bord, nous devons écouter notre corps et surveiller ce qui se passe à l'intérieur de nous-même afin d'évaluer notre réserve d'énergie.

Certes, le ministère n'est pas facile et il inclut des jours où l'on est exténué. Il n'y a aucun personnage biblique pour qui servir Dieu était un long fleuve tranquille. Mais c'est justement parce que le ministère est tellement prenant que nous devons nous garder de vivre au bord du précipice, sans marge et sans moyens pour se renouveler.

Même si le ministère nous place dans un rôle qui nous donne l'impression de ne pas avoir le droit d'être comme les autres, nous ne pouvons pas refuser notre humanité avec ses besoins légitimes. Imaginez, par exemple, que l'on reproche au pasteur de ne pas prendre un ou deux paroissiens avec lui lorsqu'il part en vacances. Cela est arrivé. Un pasteur et son épouse témoignent de ce type de difficulté en disant : « On se sent utilisés. On se donne sans compter, mais certains ne sont jamais satisfaits et ils se fâchent lorsque nous essayons de poser des limites pour nous protéger de l'épuisement. Mais nous nous sentons coupables de le faire ».

Pour se donner de la marge, il faut savoir poser des limites. Parfois, cela ne sera pas compris par les autres. Jésus n'a pas hésité à le faire afin de pouvoir se mettre à l'écart. Le plus souvent, il le fait immédiatement après un temps de service particulièrement exigeant ou après un événement troublant. Après avoir nourri la foule de cinq mille personnes, il part seul dans la montagne. Après avoir reçu la nouvelle de la mort de Jean-Baptiste, il se retire pour se donner un peu de temps pour faire le deuil de son cousin. Après les échanges difficiles avec les Pharisiens, il change de lieu et de cadre pour récupérer. Et dès que ses disciples rentrent de mission, il leur dit : « Venez avec moi dans un lieu isolé et vous prendrez du repos ».

UN ACTE DE BONNE GESTION DE SOI

Si les facteurs qui nous épuisent ne sont pas contrebalancés par des facteurs qui nous renouvellent, notre système devient déficitaire, la fatigue s'accumule, et l'épuisement s'installe. Quels sont les facteurs ou les activités qui nous prennent de l'énergie, et quels sont les facteurs ou les activités qui nous donnent de l'énergie ? La réponse sera différente pour chacun car les besoins de ressourcement diffèrent d'une personne à l'autre.

Une chose est sûre : pourvoir à ses besoins légitimes de repos et de ressourcement n'est pas un acte égoïste. Bien au contraire, c'est un acte de bonne gestion de soi-même, afin d'être d'autant plus capable de répondre aux besoins des autres sans tomber dans le piège de l'épuisement. Il incombe donc à chacun de se donner les moyens pour renouveler son énergie à tous les niveaux. Les moyens sont multiples, selon la personnalité et les possibilités de chacun : retraites spirituelles, loisirs, lecture, bricolages, peinture, jeux de société, sport, randonnées, etc.

La culpabilité est notre grand ennemi dans ce domaine. C'est un maître tyrannique ! À cause de la pression du ministère, nous avons tendance à nous sentir coupables lorsque nous prenons du temps pour nous. Mais sommes-nous vraiment aussi indispensables que les autres voudraient nous le faire croire ? Dans La Compassion, Henri Nouwen parle du ministère de la présence et du ministère de l'absence. Dieu œuvre autant lorsque nous nous retirons que lorsque nous sommes présents. Plusieurs textes en témoignent, dont le Psaume 127. D'ailleurs, Dieu ferait bien mieux sans nous. Mais il choisit de nous associer à son œuvre, tout en respectant nos limites.

Par rapport à cette question de marge, les questions suivantes peuvent nous aider à faire le bilan.

EST-CE QUE J’AI ASSEZ DE MARGE ?

Par rapport à ces derniers mois, donnez-vous un score dans l'espace qui précède chaque question, selon le barème suivant :
[1 = Rarement      2 = Parfois      3 = Assez souvent      4 = Souvent      5 = Presque toujours]

____    J'arrive à assumer ma charge de travail sans prendre sur le temps que je devrais consacrer à d'autres activités ou personnes qui me sont importantes.
____    Quand j'ai trop de travail à accomplir, j'arrive à décrocher physiquement et mentalement pour faire autre chose.
____    J'ai l'énergie et le temps qu'il me faut pour être avec mes amis.
____    Je m'arrête un jour par semaine pour me reposer.
____    Je dors assez pour maintenir un bien-être physique et mental.
____    Lorsque ceux qui me sont proches ont besoin de moi, j'ai le temps pour eux.
____    J'ai suffisamment de marge dans mes finances pour pouvoir aider ceux qui sont dans le besoin.
____    Je prends le temps qu'il me faut pour être avec le Seigneur, sans être pressé.
____    Je maintiens assez de temps pour communiquer avec ma famille, mes amis et ceux qui me sont chers.
Pour ceux qui sont mariés :
____    Mon conjoint est satisfait de la quantité d'énergie et de temps que je lui consacre.
____    Je suis satisfait de la quantité d'énergie et de temps que je consacre à mon conjoint.
Pour ceux qui sont parents :
____    Mes enfants sont satisfaits de la quantité d'énergie et de temps que je leur consacre.
____    Je suis satisfait de la quantité d'énergie et de temps que je consacre à mes enfants.
____    Quand je suis en famille, j'ai l'esprit libre de mes responsabilités et de mes préoccupations.

____    TOTAL

Pour les personnes seules : Si vous totalisez entre 27 et 45, votre degré de marge est généralement satisfaisant dans la plupart des domaines, sauf ceux pour lesquels avez mis un score de 1 ou 2.
Pour les personnes mariées : Si vous totalisez entre 33 et 55, votre degré de marge est généralement satisfaisant dans la plupart des domaines, sauf ceux pour lesquels avez mis un score de 1 ou 2.
Pour ceux qui sont parents : Si vous totalisez entre 42 et 70, votre degré de marge est généralement satisfaisant dans la plupart des domaines, sauf ceux pour lesquels avez mis un score de 1 ou 2.
(Ce questionnaire est adapté de l'atelier Comment améliorer vos relations interpersonnelles, de International Training Partners)

QUELQUES QUESTIONS POUR CONCLURE

En guise de récapitulatif, les questions suivantes permettront à chacun de faire le point :
• Qui suis-je sans mon ministère ?
• En sachant que je ne peux pas tout faire, sur quoi Dieu voudrait-il que je concentre mes efforts ?
• Est-ce que je sais laisser les besoins de la foule en faveur de mes propres besoins de ressourcement ?
• Est-ce que je sais laisser les besoins de la foule en faveur des besoins de mes proches ?
• Ai-je parfois tendance à m'épuiser par souci de plaire aux autres ?
• Ai-je parfois tendance à jouer au sauveteur ou à me charger de problèmes qui ne sont pas les miens ?
• Ai-je appris à lâcher prise par rapport aux personnes ou aux situations que je ne peux ni changer ni contrôler ?
• Par rapport à quoi ou à qui dois-je fixer des limites afin de trouver un meilleur équilibre ?

BIBLIOGRAPHIE

– Archibald Hart, Vaincre le stress, Empreinte temps présent, 1994.
– Cary Cherniss, Staff Burnout : Job Stress in the Human Services, Sage Publications, 1980.
– Christina Maslach, Burn-out : L'épuisement professionnel, Presses du Belvédère, 2006.
– David Seamands, Délivré du piège de la performance, EBV, 1996.
– Eugene Peterson, Les trois angles de la croissance dans le service chrétien, La Clairière, 1998.
– Frère Laurent de la Résurrection, Écrits et entretiens sur la pratique de la présence de Dieu, Le Cerf, 1991.
– Henri Nouwen, La compassion, Fidélité, 2004.
– Henry Cloud & John Townsend, Oser s'affirmer : L'art de fixer des limites à autrui, Empreinte temps présent, 2002.
– Herbert Freudenberger, L'épuisement professionnel : "la brûlure interne", Gaëtan Morin, 1998.
– Jeanne Farmer, Le ministère pastoral : Approche systémique de la gestion de l'Église, Empreinte temps présent, 2006.
– Philip Yancey, Touché par la grâce, Vida, 2000.
– Richard Foster, Éloge de la discipline, Vida, 2001.
– Rob Parsons, Ce que j'aurais aimé apprendre plus tôt, Éditions Emmaüs, 2001.

Auteurs
Jonathan WARD

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Jonathan Ward dirige un lieu d’accueil situé à Entrepierres dans les Hautes Alpes ouvert à tous les serviteurs de Dieu en quête de repos et de ressourcement. Pour plus de renseignement : www.pierresvivantes.org

 

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Commentaires

citations celebres

14 May 2013, à 01:30

Ce message est vraiment complet, et très intéressant. Il est d'une aide excellente que tous les pasteurs devraient avoir lu au moins une fois ! Merci !

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