La spiritualité de Wesley

Extrait Spiritualité

Lorsque nous sommes justifiés et, à vrai dire, dès le moment où nous le sommes, notre sanctification commence. Car alors nous naissons « de nouveau, d’en haut, de l’Esprit ». Il s’opère donc un changement réel, aussi bien qu’un changement relatif. La puissance de Dieu nous régénère intérieurement. Nous sentons que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné », et qu’il y fait naître de l’affection pour tous les hommes, surtout pour les enfants du Seigneur. Cet amour exclut de notre âme l’amour du monde, l’amour des plaisirs, de la mollesse, des honneurs, de l’argent ; et il en bannit également l’orgueil, la colère, la volonté charnelle et autres vices. En un mot, il convertit notre caractère « terrestre, sensuel et diabolique », en ces « sentiments que Jésus-Christ a eus » (Wesley).

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La spiritualité de Wesley

WESLEY ET LE MÉTHODISME

LA « CONVERSION »

On a pu parler de Wesley comme du troisième grand réformateur. Et il est sans doute vrai que personne n’a eu, après Luther et Calvin, une influence sur l’ensemble des Églises protestantes comparable à la sienne. Bien au-delà du méthodisme qu’il a suscité à son corps défendant (il n’a en effet jamais quitté lui-même l’Église anglicane), il a, au travers de la dynamique spirituelle des réveils issus du réveil méthodiste, renouvelé profondément la spiritualité de bien des Églises.

Sa vie (1703-1791) couvre tout le 18ème siècle. Il naît dans une famille de pasteur anglican et reçoit de sa mère tout un héritage spirituel très fortement marqué par l’Imitation de Jésus-Christ. Il va faire des études de théologie, devient prêtre anglican et va commencer sa carrière en Amérique. Pendant toute cette période, il est un chrétien pieux, brûlant de connaître la communion avec Dieu, attentif à une piété structurée, disciplinée et très soucieux de la bienfaisance. On pourrait rêver que tous les membres de nos Églises soient comme lui… Et pourtant, il demeure insatisfait, en attente de quelque chose. Au cours du voyage en Amérique, il rencontre sur le bateau des frères moraves, ces héritiers directs du piétisme de Zinzendorf. Il a l’impression qu’ils vivent de ce qui lui manque encore et reste en contact avec eux après son retour. C’est dans ce contexte qu’il va vivre son expérience spirituelle fondamentale que l’on qualifie fréquemment de conversion. Voici ce qu’il en dit :

Le mercredi 24 mai 1738, vers cinq heures du matin, j’ouvris mon Nouveau Testament à ces paroles : « nous avons reçu les grandes et précieuses promesses afin que par leur moyen nous devenions participants de la nature divine » (2 P 1.4). Au moment de sortir, je tombai sur ces mots. « Ô Éternel ! Je t’invoque du fond de l’abîme, Seigneur écoute ma voix, que tes oreilles soient attentives à la voix de mes supplications ! Ô Éternel ! Si tu considères les iniquités, Seigneur, qui subsistera ? Mais le pardon se trouve auprès de toi, afin qu’on te craigne. Israël, attends-toi à l’Éternel ; car la miséricorde est avec l’Éternel et la rédemption se trouve auprès de lui. Et lui-même rachètera Israël de toutes ses iniquités ».

Dans la soirée, je me rendis à contrecœur à une société, dans Aldersgate Street, où j’entendis lire la préface de Luther à l’épître aux Romains. Vers neuf heures moins le quart, en entendant la description qu’il fait du changement que Dieu opère dans le cœur par la foi en Christ, je sentis que mon cœur se réchauffait étrangement. Je sentis que je me confiais en Christ, en Christ seul pour mon salut ; et je reçus l’assurance qu’il avait ôté mes péchés, et qu’il me sauvait de la loi du péché et de la mort.

Je me mis alors à prier de toutes mes forces pour ceux qui m’avaient le plus outragé et persécuté. Puis, je rendis témoignage ouvertement, devant les personnes présentes, de ce que j’éprouvais en mon cœur pour la première fois. L’Ennemi me suggéra bientôt : « Ceci ne peut être la foi, car où est ta joie ? » Mais j’appris bientôt que si la paix et la victoire sont étroitement liées à la foi au Chef de notre salut, il n’en est pas ainsi des transports de joie qui l’accompagnent ordinairement, surtout chez ceux qui ont passé par une angoisse profonde, mais que Dieu se réserve de dispenser ou de refuser, selon son bon plaisir(1).

Il est frappant de voir de quelle manière cette expérience, devenue fondatrice et presque mythique, se situe dans la droite ligne de celle de Luther et, par l’épître aux Romains, de l’enseignement de Paul. Faut-il parler de conversion, d’expérience de plénitude, d’expérience de l’Esprit ? On peut hésiter. Toujours est-il qu’il s’agit là du grand commencement qui ouvre à la spiritualité de Wesley les portes nouvelles qu’il cherchait sans pour autant signifier une rupture radicale avec son cheminement préalable. Comme il arrive parfois lors des réveils, son frère Charles avait trouvé la paix trois jours avant John Wesley et Whitefield quelque temps plus tôt lors du séjour de Wesley en Amérique. C’est de ces actes de Dieu séparés et apparemment sans rapport direct les uns avec les autres, que naîtra le renouveau spirituel de l’Angleterre. Il est fort probable qu’à travers l’héritage des réveils, la notion de conversion qui tient une telle place dans les milieux évangéliques, s’enracine dans cette expérience fondatrice de Wesley, au point parfois de devenir un modèle standard de spiritualité et, à ce titre, quelque chose de parfois dangereux. Il est en effet possible de confondre parfois « décision » et « conversion » car, comme le dit Pascal « les hommes prennent souvent leur imagination pour leur cœur ; et ils croient être convertis dès qu’ils pensent à se convertir »(2). Le risque, d’autre part, est de tout centrer sur la conversion et d’oublier qu’il ne s’agit que d’un point de départ. Nous verrons que ce n’est pas du tout le cas de Wesley qui, au contraire, va mettre très fortement l’accent, sans doute plus qu’aucun autre protestant avant lui, sur la sanctification.

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Informations complémentaires

1. Matthieu Lelièvre, John Wesley sa vie et son œuvre, Publications Évangéliques Méthodistes, 1992, p.70-71.
2. Pascal, Pensées, Lafuma : 975, Brunschvicg : 275.

QUELQUES OUVRAGES DE OU SUR WESLEY :
John Wesley : La voie du salut, Publications Évangéliques Méthodistes, 1986.
John Wesley : Le sermon sur la montagne, Publications Nazaréennes, 1998.
Louis J. Rataboul : John Wesley, Un anglican sans frontières, Presses Universitaires de Nancy, 1991.
Matthieu Lelièvre : John Wesley, sa vie et son œuvre, Publications Évangéliques Méthodistes, 1992.
Ibid. : La théologie de Wesley, id. 1990
F. Lovsky : Wesley, apôtre des foules, Pasteur des pauvres, Foi et Victoire, 1977.
Brève information sur l’Église Évangélique Méthodiste, éditée par l’Église, 1988.

 

 

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