Conclusion à la laïcité

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Conclusion à la laïcité

« Dans le bateau, il existe des contraintes pour le “vivre ensemble” : il faut que les gens s’accordent sur un certain nombre de tâches matérielles et sur le respect qu’ils se doivent les uns aux autres. Mais une fois le bateau arrivé au port, chacun a le libre choix de sa destination et peut emprunter les voies qu’il veut. Cette métaphore met en évidence la nécessité d’une morale civile et d’une organisation politique communes pendant notre vie ici-bas, sur terre, mais aussi de la liberté d’aller au ciel par les voies qui semblent bonnes à chaque personne, selon la manière dont chacun comprend l’appel de Dieu et selon sa conscience(1) ».

Le lecteur sera peut-être surpris, en découvrant cette citation, d’apprendre que la première réalisation de l’idée de laïcité, bien avant les Révolutions françaises et américaines, et bien avant les Lumières, fût l’œuvre d’un pasteur. Un pasteur baptiste, Roger Williams – dont la pensée est ci-dessus résumée par Jean Baubérot –, qui fonda en la ville de Providence le premier État à inscrire dans sa constitution le principe de séparation des Églises et de l’État. Le premier État à garantir la liberté de conscience pour tous, qu’ils soient juifs, indiens, païens, baptistes ou puritains. Réalisation pionnière, l’État de Rhode Island est ainsi né le 24 mars 1644. Et avec lui l’idée de la possibilité pour des hommes et des femmes de vivre ensemble, sur un même territoire, sans être appelés à la même foi ou à se « mettre dessus » en considération de leurs opinions. Qu’elles soient religieuses ou philosophiques. Possibilité au final de croire ou ne pas croire et de vivre en conséquence, sans être inquiété. Étant libre de s’affirmer.

La conviction de Roger Williams était simple et il la puisait aux sources de sa foi, au cœur de l’Évangile. C’est le fameux « Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu », enseigné par Jésus dans l’Évangile selon Matthieu(2).

Quelle est l’idée au fond ? Elle est celle de la nécessaire distinction entre ce qui relève de la loi commune et par elle de l’organisation concrète et matérielle des rapports sociaux (sphère temporelle, appartenant légitimement à César), et ce qui relève de nos libertés spi- rituelles, essentielles (sphère spirituelle, devant Dieu), personnelles. Elle est par là même surtout l’idée que la foi véritable – celle qui n’est pas une mascarade – provient du cœur. Qu’elle est le fait des profondeurs.

Le fruit d’une rencontre intérieure avec le Dieu vivant. Ce Dieu qui nous aime. Ce Dieu qui nous appelle à le rechercher et à le découvrir dans l’intimité de la foi. Ce Dieu qui nous appelle à la vie… Mais à une vie choisie, avec lui.

Aussi toute prétention extérieure, qu’elle soit le fait d’une institution religieuse ou celle d’un pouvoir politique, à vouloir imposer (ou a contrario restreindre) la foi est une absurdité au regard de l’Évangile. Une subversion du message chrétien. Et il faut bien reconnaître là que l’Église malheureusement, dans son histoire, n’a pas toujours été à la hauteur de l’enseignement de son fondateur. C’est le moins que l’on puisse dire. Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain… ? Ce serait certainement dommage.

« Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libre(3) ». Cet appel du Christ demeure. Sa voix se fait encore entendre aujourd’hui à ceux et celles qui ont soif de vérité et de liberté intérieure. Soif d’être reconnecté à l’essentiel. Soif d’une vie qui ait du sens. Soif surtout d’être aimé par celui qui détient les clefs de notre vie et nous invite à l’espérance, notre créateur. Cette voix, chemin vers la liberté des profondeurs, sommes-nous prêts à l’accueillir et à la cultiver dans nos cœurs ?

Auteurs
Erwan CLOAREC

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1.
Sous la direction de Jacques Buchhold, Laïcités – enjeux théologiques et pratiques, Vaux-sur-Seine, Coéditions Édifac et Excelsis, 2002, pages 7-8.
2.
Évangile selon Matthieu, chapitre 22, verset 21.
3.
Évangile selon Jean, chapitre 8, verset 32.

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