Il y a quelques mois, Guy Béart nous a quittés pour un autre monde. Ce n’était pas un héros, juste quelqu’un qui chantait, peut-être pas très juste, des paroles qui l’étaient. Combien d’hommes disparus/ [...] Leurs mots qui demeurent/ Chantent « juste » à l’heure.
Ils se mentent à eux-mêmes
Son départ nous donne aujourd’hui l’occasion de réfléchir à partir de sa chanson « La vérité », dont il faudra se souvenir. Tous les jours, sans exception, des politiciens, des sportifs, des vedettes, des hommes d’affaires et/ou d’« affaires » viennent dire dans les médias des choses qui sont le contraire de ce qu’ils pensent, ou qui sont le contraire de ce qu’ils sont, tellement ils ont fini par se mentir à eux-mêmes. Souvenez-vous de l’aphorisme insurpassable d’un expert, Bernard Tapie :
« J’ai menti de bonne foi. »
Le dernier « mensonge de bonne foi » en date vient de Michel Platini : ayant reçu, en 2011, 1,8 million d’euros du peu recommandable président de la Fifa Joseph Blatter, et cela sans contrat écrit, Platini affirme « ne pas être un homme d’argent »... Sachant que cette somme représente 1.800 fois le SMIC, soit 150 ans de salaire d’un ouvrier, et que ce n’est qu’un supplément par rapport à ce que touche M. Platini, il nous est néanmoins demandé de croire que cet ancien footballeur n’est pas un homme qui aime l’argent...
Sommes-nous vraiment dupes ?
Par ailleurs, si vous souhaitez faire une campagne électorale pour ne pas être élu, il vous suffira de dire au moins un peu la vérité, et vous serez exaucé. Cela nous renvoie à nous-mêmes collectivement : si ceux qui disent la vérité ne recueillent pas nos suffrages, c’est donc que nous préférons les diseurs de bonne aventure ou les pseudo-prophètes qui, comme à l’époque de Jérémie, préfèrent annoncer de bonnes nouvelles quand celles- ci sont impossibles : « Ils soignent à la légère la blessure de mon peuple : ‘Tout ira bien, tout ira bien !’, disent-ils, et rien ne va(1) ! » Rien ne sert d’accuser les menteurs quand nous les avons portés au pouvoir alors que nous savions pourtant qu’ils nous enfumaient.
Faire la vérité en soi-même
La vérité demande du courage. La philosophe Cynthia Fleury y a consacré un livre, et elle célèbre « le courage, plus ordinaire, [...] comme la volonté de mettre en accord ses principes et ses pratiques, dans sa vie personnelle(2). » Autrement dit, d’avoir des principes et de les appliquer. Ceux qui sont chrétiens ont décidé de suivre quelqu’un qui a dit être la vérité(3). Il n’est pas sûr que Guy Béart ait perçu ce verbe « être », mais il avait au moins repéré le verbe « dire » et ce qu’il avait coûté à Jésus-Christ :
Un jeune homme à cheveux longs grimpait le Golgotha La foule sans tête
Était à la fête
Pilate a raison de ne pas tirer dans le tas C’est plus juste en somme
D’abattre un seul homme.
Ce jeune homme a dit la vérité Il doit être exécuté.