13 février 1604. Catherine de Bourbon, l'indomptable

publié le 13 February 2023 à 01h01 par José LONCKE

13 février 1604. Catherine de Bourbon, l'indomptable

Catherine de Bourbon (1559-1604), la sœur de Henri IV meurt en ce jour. Elle resta fidèle à sa foi, en dépit des pressions de son frère et de son entourage.

Voilà ce qu'elle écrit à Théodore de Bèze en lui envoyant des vers :

"Monsieur de Bèze, le désir que j'ai, non seulement de persévérer en la sainte connaissance où j'ai été élevée dès mon bas âge en l'Eglise de Dieu, mais aussi que tous les gens de bien et fidèles de ladite Église, sachent et s'assurent qu'avec la grâce de Dieu je ne changerai jamais cette belle résolution, j'ai bien voulu vous écrire moi-même par une si bonne commodité, comme à celui que je tiens des plus anciens amis et serviteurs de notre maison, et aux prières de qui je désire me recommander, car je tiens qu'elles me profiteront en ce temps même où les efforts du monde ont le plus de vigueur pour traverser le repos de ceux qui craignent Dieu. Vous devez croire que j'en ai ma part à bon escient, et en tant de sortes que j'ai bien besoin de l'assistance de l'Esprit qui n'abandonne point ceux qui espèrent en lui.

Parmi mes douleurs, je m'ébats quelquefois à parler à Dieu avec ma plume, non en vers, si bien faits comme ceux qui font profession de longue main de bien écrire, mais chrétiennement pour ma consolation, comme vous verrez par ceux que je vous envoie pour en être juge et modérateur de ce qui s'y peut trouver à redire, vous priant de toute mon affection d'y passer librement la plume et me témoigner en cela ce que j'espère de votre bonne amitié, et croire qu'en tout autre endroit je vous rendrai preuve de la mienne."(26 janviers 1596)

Elle avait dit au roi Henri IV, son frère, quand il menaçait  de l‘abandonner, que

« Dieu, lui, ne la délaisserait pas, et qu‘elle aimait mieux vivre la plus pauvre demoiselle de la terre en servant Dieu qu‘en le déshonorant être la première reine du monde! »

Bourse du Commerce (Paris) : Hôtel des Deux-Ecus. Les protestants de Paris se réunissaient sous sa protection, en plein Louvre, dans la célèbre salle des Cariatides.
Pendant cinq années  entières, d’avril 1594 à février 1599, le culte protestant fut également célébré de façon fréquente et consécutive à deux pas du Louvre, dans l’hôtel de Catherine de Bourbon (1559-1604),  sœur d’Henri IV.
Cet hôtel, dit des Deux-Ecus, était l’ancien hôtel de la Reine Catherine de Médicis qui avait fait élever en 1574 la colonne astronomique cannelée, appelée également colonne Médicis, qui existe encore, et qui est le seul vestige subsistant de cet hôtel.
À la mort de Catherine de Bourbon l’hôtel  fut acquis par le comte de Soissons qui lui donna son nom.
C’était vers l’emplacement actuel de la Bourse du Commerce, entre les rues Coquillières, du Louvre et Berger (anciennement des Deux-Ecus). La façade se trouvait entre la rue Berger et l’Eglise Saint-Eustache. L’entrée qui s’y trouvait fut décorée d’un portail magnifique par Salomon  de Brosse.

La princesse disposait là d’un palais somptueux digne de son rang de sœur unique du roi avec plusieurs appartements vastes et ensoleillés, des galeries ornées des tableaux des rois, des tapisseries de cuir doré aux murs et des tapis de Perse au sol, des lits de velours cramoisi et des caquetoires à haut dossier, et le tout entouré de  grands jardins.
Conformément au droit des hauts seigneurs, la princesse « dressait » dans sa maison une église pour elle et ses gens, dont les portes étaient largement ouvertes au public.

Folembray (Aisne). Un accident qui pouvait avoir des suites les plus funestes eut lieu à Folembray, en Janvier 1596. Le roi avait amené avec lui sa sœur, malade depuis quelques semaines et à laquelle les médecins avaient ordonné un changement d‘air.

    "…le mardi 23 Janvier , Henri était auprès de la malade, lorsque le plancher de la chambre vint à s‘écrouler subitement, exepté fort heureusement l‘endroit où se trouvait le lit de la princesse, sur lequel pour se garantir, le roi fut contraint de se jeter“(Journal de l‘Etoile).
Que ne fut-il sensible à ce miracle ?

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La Fermesse (Nancy). Au 16ème siècle un monogramme avait été adopté par les huguenot comme signe secret. Il s’agissait du S barré ou fermé signifiant Fermesse, de l’italien fermezza, c’est-à-dire fermeté, constance.
Ce S fermé avait été couramment utilisé par la reine Jeanne d'Albret pour désigner la fermeté de ses choix politiques et religieux. On le retrouva sur des jetons de sa fille Catherine de Bourbon, duchesse de Bar.

Sur l’un deux, daté de 1600, le symbole en question est représenté par un serpent debout dont la queue rejoint la tête et figure assez bien l’S barré. Le serpent emblème de la prudence :

« Soyez prudents comme des serpents… » (Mathieu 10),

 est entouré de deux palmes croisées et surmontées d’une couronne qui rappelle sans doute le texte :

« Tiens ferme, ce que tu as afin que nul ne te ravisse ta couronne » (Apocalype 3.11).

Autour est gravée la devise IMPERSUASIBILIS, allusion évidente aux tentatives de conversion dont Catherine était l’objet à la cour de Nancy.

 

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Deux poèmes :

O Dieu, tu as promis, par ta bonté divine,
D'aider aux affligés qui ont recours à toi.
Mon coeur est plein d'ennui, Père, console-moi
Fais-moi sentir l'effet de ta faveur bénigne.
 
Je sais que mes péchés appellent ma ruine,
Je sais que tous les jours je transgresse ta loi,
Que je ne te sers pas ainsi comme je dois,
Que mon esprit mondain de pardon est indigne.
 
Hélas ! je reconnais que je t'ai irrité
En cent et cent façons, dont j'ai bien mérité
Ce rude châtiment pour punir mon offense.
 
Mon péché me déplaît pardonne-moi, Seigneur,
Regarde à ta promesse et non à mon erreur,
J'espère en ta bonté, non en mon innocence.

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Pardonne-moi, Seigneur, tout saint, tout débonnaire,
Si j'ai par trop cédé à de mondains appâts.
Hélas ! je fais le mal, lequel je ne veux pas
Et ne fais pas le bien que je désire faire.

Mon esprit trop bouillant, guidé par ma jeunesse,
S'est laissé emporter après la vanité,
Au lieu de s'élever vers ta Divinité
Et admirer les faits de ta grande sagesse.

Ma langue qui devait publier ta puissance
Et l'honneur que de toi, je reçois tous les jours,
Est bègue quand il faut entrer en ces discours
Et prompte et babillarde après la médisance.

Mon oreille, Seigneur, n'est-elle pas coupable,
Qui devait écouter ta sainte vérité
Et y prendre plaisir : ingrate elle a été,
Sourde à ouïr ta voix et ouverte à la fable.

Que dirai-je, mon Dieu, de mes yeux infidèles,
Qui au lieu de jeter leur regard vers les cieux
D'où leur vient le salut, aveuglés aiment mieux
Les arrêter ici sur des beautés mortelles.

Mes mains ne font pas mieux, s'amusant à écrire,
Au lieu de ta louange, un discours inventé,
Lorsque jointes devraient prier ta Majesté
D'approcher ta pitié et reculer ton ire.

Alors qu'il faut aller écouter ta parole,
Mes pieds sont engourdis et vont le petit pas ;
Mais s'il faut aller voir quelques mondains ébats,
Au lieu de cheminer il semble que je vole.

Mon coeur est endormi en sa vaine pensée
Et ne médite pas au bien que tu lui fais.
Il te met en oubli ; mais où sont les parfaits
De qui ta Majesté n'ait été offensée ?

Mais reçois-moi, Seigneur, d'un oeil doux et propice,
Puisque je reconnais mes péchés devant toi.
Regarde à ton cher Fils, sacrifié pour moi,
Qui prenant mes péchés, me vêt de sa justice.

 

Sabine Melchior-Bonnet, Catherine de Bourbon, l’insoumise, Nil éditions, 1999, pp 21-212, 231, 239, 290.

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