Les enjeux de la bioéthique

Extrait Bioéthique 1 commentaire

Quels sont les enjeux théologiques et anthropologiques qui sont derrière les débats autour de la bioéthique ? Ce texte de Louis Schweitzer aide à réfléchir sur les raisons qui font que, même dans les Églises, des positions divergentes, parfois contradictoires, peuvent être prises dans ce domaine…

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Les enjeux de la bioéthique

Cet article ne veut évidemment pas faire le tour d’un si vaste sujet. Le but qu’il se propose est plus modeste. Il souhaite d’abord présenter les grandes questions qui sont aujourd’hui d’actualité dans cette discipline qui est sans doute une de celles qui bougent le plus rapidement. Ces questions présentent des enjeux qui ne sont pas toujours faciles à percevoir et que nous essaierons de cerner. Mais si le débat est animé autour de ces questions, il l’est aussi parfois entre chrétiens. Quelles sont les raisons théologiques, historiques ou autres de ces différences ? Nous voudrions ainsi faciliter au lecteur une meilleure compréhension de ce qui est en débat derrière des questions aussi souvent passionnées que complexes.

Questions actuelles

Si l’on parle tant de bioéthique en France en ce moment (2009), c’est à cause des États généraux de la bioéthique, le grand débat lancé autour de la révision des lois de bioéthique. Les grandes questions actuelles sont donc celles qui vont être remises sur le tapis à cette occasion. Il s’agit de la recherche sur les cellules souches et sur l’embryon, des diagnostics prénatal et préimplantatoire, de l’assistance médicale à la procréation et de son étendue, des dons et greffes d’organes et de la médecine prédictive. C’est pour cette raison que le texte de la FPF a lui-même abordé ces sujets. Ce texte est très utile pour se faire une idée des positions protestantes dans ces domaines. Remarquons au passage que l’équipe de rédaction comprenait des personnes de sensibilités différentes et que le quasi consensus a été assez facilement acquis. Nous essaierons de discerner ce qui a pu changer depuis quelques années pour que des différences dans le passé assez « séparatrices » puissent aujourd’hui être perçues comme complémentaires.

Dans les questions qui sont aujourd’hui d’actualité, quels sont les enjeux essentiels ?

La recherche sur les cellules souches et les embryons pose évidemment la question du statut de l’embryon. Est-il susceptible de devenir l’objet de recherches ? Est-il, pour le dire très vite en prenant les extrêmes, un amas de cellules(1) ou une personne humaine ? Cette question est ancienne et a d’abord été l’enjeu essentiel des débats sur l’avortement.

Les diagnostics prénatal et préimplantatoire qui pourraient être extrêmement précieux s’ils permettaient de soigner débouchent bien souvent sur l’élimination du problème, c’est-à-dire de l’embryon soupçonné d’être potentiellement atteint. Ils aboutissent ainsi surtout à une sélection. Les embryons qui peuvent manifester un handicap ou un risque de handicap seront ainsi écartés, par non implantation d’un côté, par interruption médicale de grossesse de l’autre. Le risque d’avoir des enfants trisomiques diminue ainsi de manière spectaculaire, mais ce n’est pas la maladie qui régresse, ce sont les embryons susceptibles d’être atteints qui sont éliminés. Ajoutons encore qu’on reconnaît que, vue l’imperfection du diagnostic, « deux grossesses d’enfants non porteurs de cette affection sont interrompues par erreur pour éviter le “risque” de la naissance d’un enfant trisomique »(2). Il est donc clair que l’on retrouve ici encore la question du statut de l’embryon et, plus largement, celui de la vie humaine atteinte d’un handicap.

L’assistance médicale à la procréation renvoie elle aussi au statut de l’embryon et à la question des embryons surnuméraires. Mais les nouveaux débats autour du « droit à l’enfant » de mères seules ou de couples homosexuels, ainsi que la possibilité de « gestatrices » (ou mères porteuses) renvoient au cadre parental. Dans quelle mesure le cadre parental classique (un père et une mère) mérite-t-il que l’on tente de le préserver ou est-il une réalité obsolète et, en tout cas, secondaire ?

Les dons et greffes d’organes mettent en cause le respect de la personne, qu’il s’agisse de la personne donneuse, vivante ou morte ou de ses proches. Le corps appartient-il à la communauté, peut-il devenir une marchandise ou reste-t-il, avec sa dimension symbolique, l’expression de la personne ?

Enfin, la médecine prédictive peut, elle aussi, en voulant éviter les risques possibles, tendre vers une dérive eugéniste. L’embryon susceptible d’être atteint, dans un futur plus ou moins déterminé, par une maladie, sera éliminé au profit d’un autre correspondant mieux aux normes de ce que l’on considère comme une vie humaine souhaitable.

Ajoutons que, pour beaucoup de ces questions, la dimension économique est extrêmement, bien que discrètement, présente. La recherche a bien sûr de gros enjeux financiers, l’élimination de handicaps ou de maladies possibles est une économie pour la société et on peut facilement imaginer les questions d’argent liées à la maternité pour autrui ou même aux dons d’organes. Pour des pays pauvres ou pour des personnes en situation de détresse, il pourrait s’agir de sources de revenus non négligeables et comment imaginer que cette situation ne serait pas exploitée par les pays riches, seuls capables de bénéficier de ces « avancées de la médecine » ?

On voit bien, et cela n’a rien d’étonnant, que c’est la personne humaine dans ce qu’elle peut avoir de plus fragile, depuis sa conception jusqu’à sa mort qui est au centre de ces débats. Dans une société comme la nôtre, il est facile et naturel de constater l’extrême diversité des points de vue en compétition. Nous voudrions esquisser les contours de cette diversité, mais en nous attardant plus longuement sur la diversité entre des éthiques qui se veulent chrétiennes et qui peuvent, dans la société comme au sein même du protestantisme, faire entendre des sons de cloche différents...

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1.
Bernard Debré, La revanche du serpent ou la fin de l’homo sapiens, Le Cherche Midi, Paris, 2005, p.50.
2.
États généraux de la Bioéthique 2009, Éléments de réflexion proposés par la Commission Église et société de la Fédération Protestante de France, p. 4.

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Commentaires

Anicet Somda

15 December 2013, à 17:33

L'auteur fait bien de poser les enjeux théologiques de la bioéthique.
La bioéthique, en effet, a besoin de la tutelle théologique pour être vraiment au service de l'homme et de sa vie.

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