L' encouragement : les fondements théologiques

Extrait L'accompagnement et l'écoute

Lors du congrès que la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes a tenu à Jouy-le-Moutier en mai 2001, le thème principal était l’encouragement. Trois études ont été présentées et nous vous proposons dans ce numéro les deux premières. La troisième qui a été faite par Michel Charles paraîtra dans un prochain numéro. Il n’est pas nécessaire de beaucoup insister sur l’importance pratique de cette question qui est de plus en plus largement et parfois douloureusement perçue dans les Églises. Nous passerons au cours de ces articles de l’enracinement biblique et théologique de cette question aux applications les plus concrètes.

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L' encouragement : les fondements théologiques

Introduction

C’était un dimanche soir du mois de juin 2000. L’Europe entière était rivée devant son poste de télévision pour suivre ce fameux match de foot. Les Français tout particulièrement. Mais voilà, leur équipe championne du monde dont ils étaient si fiers était menée 1-0 depuis le début de la seconde mi-temps, et les minutes s’écoulaient sans égalisation. On s’approchait dangereusement de la fin du temps réglementaire. Le moral des troupes était à la basse, le pessimisme gagnait du terrain. Maintenant le temps réglementaire était fini, on jouait les arrêts de jeu. Les supporteurs de la brillante équipe étaient désormais découragés, abattus, voire désespérés. L’arbitre allait siffler d’un instant à l’autre et leur équipe, dont les assauts sur le but adverse se heurtaient inexorablement à l’efficace défense italienne, allait perdre. Quel malheur ! Mais tout à coup alors qu’il ne restait plus qu’une poignée de secondes, Fabien Barthez, le gardien de but, adresse un long dégagement à David Trézéguet qui dévie de la tête pour Sylvain Wiltord, qui d’un tir croisé égalise ! ! Nous connaissons la suite : durant la prolongation l’équipe de France marque le but de la victoire (superbe, d’ailleurs) et remporte l’Euro 2000.

Cette histoire (véridique, comme vous le savez), ne constitue-t-elle pas une sorte de parabole invitant à ne jamais perdre courage ? Du moins (il faut le préciser) pour les Français, pas pour les Italiens ! Il paraît que nos voisins transalpins sont devenus, depuis cet événement, des spécialistes du « rebouchonnage » des bouteilles de champagne ouvertes. Si des amis italiens sont parmi nous, j’espère qu’ils me pardonneront ces propos.

Trêve de plaisanterie, entrons dans le vif du sujet de notre Congrès : l’encouragement. Il me revient de traiter de la question des fondements théologiques de l’encouragement. Je me cantonnerai donc à cette approche, laissant délibérément de côté certaines considérations (notamment d’ordre psychologique) et laissant le soin aux deux illustres intervenants qui me succéderont (Louis, puis Michel) d’aborder cet important sujet de manière plus pratique et plus concrète.

Je vais mener ma réflexion en trois temps : d’abord, j’évoquerai quelques-unes des principales raisons du découragement ; ensuite, j’effectuerai un survol biblique de la question en tentant de repérer les raisons qui nous sont données par l’AT comme par le NT pour ne pas nous décourager ; enfin, je me livrerai à un approfondissement théologique de certains de ces fondements qui auront été mis en évidence par l’enquête biblique.

I. LES RAISONS DU DÉCOURAGEMENT

Réfléchir à la question de l’encouragement sous-entend que les êtres humains en général (et nous-mêmes en particulier), que les communautés humaines (et les communautés chrétiennes en particulier) peuvent être gagnés par le découragement, voire le désespoir ; le désespoir pouvant, à mon avis, être considéré comme la forme la plus grave de cette pathologie.

Lorsque l’on est découragé, on n’a pas « le cœur à l’ouvrage », ni l’énergie pour mener à bien un travail, une mission, encore moins pour se battre pour une cause, pour lutter à contre-courant. Mais lorsqu’on est désespéré, on n’a plus d’espérance, on cesse tout engagement, on se retire dans son coin et, d’une certaine manière, on se laisse gagner par la mort (même si notre corps continue de vivre). Un peu comme les disciples de Jésus après sa crucifixion : « Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël », confesse un des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24.21), mais voilà que nous sommes au troisième jour depuis sa mort… Sous-entendu : tout espoir semble perdu ; la belle aventure commencée sur les rives du lac de Galilée est belle et bien finie ; c’est le retour à la dure réalité. Toute possibilité de réel changement pour nous et pour notre peuple a été enseveli avec lui, dans la tombe. Pierre et quelques autres disciples de la première heure ont repris leurs filets, comme autrefois (Jn 21)… comme si la page était définitivement tournée.

Comme nous le voyons (et ce n’est pas une découverte), le découragement, et à un degré supérieur le désespoir, ont un lien étroit avec l’espérance.

Le pasteur Gérard Pella, dans un essai de prédication narrative (publié dans la revue Hokhma), décrit de manière imagée l’espérance, blessée. Celle-ci prend la parole et dit :
« J’ai été agressée par trois hommes. Le premier m’a neutralisée par des arguments. Il disait que l’espérance, c’était une fuite hors de la réalité, une démission. On ne pouvait compter que sur soi-même.

Le deuxième m’a jetée à terre, de rage. Il hurlait que je l’avais trompé. Combien de fois avait-il espéré et son attente avait toujours été déçue. Il était terriblement amer et impitoyable envers moi.

Le troisième s’est mis à me frapper par des images. Il me faisait voir des centaines de cas où c’était la haine, l’argent ou la mort qui avait gagné…. visages fermés, … terre polluée, … monde déchiré. À quoi bon espérer encore ? Qu’est-ce qu’on peut y changer ?»(1)

N’est-ce pas là une description profonde et vraie de l’espérance déçue, meurtrie et une présentation lucide des raisons qui en sont la cause ? Parce que le mal habite notre monde et entraîne tant de dysfonctionnements, tant de blessures, tant de tragédies, nous sommes tous, qui que nous soyons, des proies possibles du découragement, voire du désespoir. Et j’ajouterai : nous chrétiens et communautés chrétiennes nous sommes tout particulièrement menacés par le découragement. Pourquoi ? Non seulement en raison la douloureuse présence du mal, mais aussi (et c’est là un paradoxe) en raison de la grande espérance qui est constitutive de la foi chrétienne. Je m’explique, et ce faisant j’en viens aux raisons possibles du découragement :

• Nous croyons en un Dieu fondamentalement bon… et nous voyons, expérimentons et sommes informés de nombreux malheurs qui atteignent les hommes et la création : guerres, cataclysmes dits « naturels », maladies, accidents, conflits relationnels, etc. Nous souffrons de cet état des choses qui affectent notre monde. Nous sommes tout particulièrement peinés lorsque cela nous concerne ou concerne un personne qui nous est proche. Sur un plan personnel, vous êtes peut-être déçus, voire profondément affectés par ce que vous vivez actuellement, par la tournure que prend votre vie. Par exemples : le temps passe et malgré votre désir vous n’êtes toujours pas marié(e) ou vous n’arrivez pas, avec votre conjoint, à avoir un enfant ; ou bien vous êtes déçus, attristés, découragés par votre vie conjugale et familiale. Ou encore votre situation professionnelle ne correspond à ce que vous espériez, ou votre ministère (en tant que pasteur, missionnaire, évangéliste ou autre) ne porte pas les fruits escomptés. Pourquoi Seigneur ?

• Nous croyons en un Dieu puissant, souverain, et nous lisons dans l’Écriture les grandes choses qu’il a faites dans l’histoire d’Israël et au temps de l’Église primitive, par les apôtres et les premiers chrétiens : prédications puissantes, de nombreuses conversions, des miracles. Et à côté de cela, nous constatons que la réalité que nous vivons est souvent bien différente : si nous voyons le Seigneur à l’œuvre (heureusement et qu’il en soit loué !), les fruits apparaissent bien plus modestes, discrets. Les conversions annuelles (voire décennales) se comptent peut-être sur les doigts de la main ; bien de nos frères et sœurs doivent vivre leur quotidien en supportant la maladie. Pourquoi Seigneur ?

• Nous mesurons ce même écart entre notre foi en la puissance de Dieu et notre réalité au niveau de la qualité de notre vie individuelle et communautaire : les années passent et nous n’avons pas l’impression de beaucoup progresser spirituellement ; les relations fraternelles devraient être marquées par l’amour et bien souvent (pas toujours heureusement), nous constatons que les rancœurs, les divisions, les incompréhensions font hélas ! partie de notre réalité communautaire. Cela va parfois jusqu’à l’éclatement de l’Église locale. Pourquoi Seigneur ?

J’arrête ici ou autrement je sens que vous allez tous quitter la salle en pleurant ! Or, ce n’est pas l’objectif de mon exposé.

Ce n’est pas le moment d’essayer de trouver des réponses à ces questions. Ce que je veux souligner, c’est que ces écarts (qui ont parfois l’allure de fossés) entre ce que nous croyons du plus profond de notre cœur concernant notre Dieu et son œuvre et ce que nous expérimentons peuvent constituer des sources de découragement qui peuvent aller même jusqu’au désespoir. Il est salutaire de le reconnaître, d’en être avertis. Cette prise de conscience nous aidera à être plus vigilants face à cet ennemi sournois qu’est le découragement.

Mais il est temps maintenant de considérer la question sous son angle positif : quelles raisons avons-nous, en tant que chrétiens, non pas d’être découragés, mais au contraire d’être pleins de courage et d’espérance ?

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Informations complémentaires

1. « Pour que vive l’espérance », Hokhma 48, 1991, p. 87.

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