Collaborations hommes-femmes dans l’Église : mécanismes relationnels sous-jacents

Extrait Ministères féminins

Le débat se poursuit, avec ses évolutions et ses retours cycliques, concernant la place des femmes dans l’Église, les ministères féminins et la collaboration homme-femme dans les fonctions de direction. Mais les données bibliques et les convictions théologiques ne suffisent pas à en comprendre les raisonnements et les enjeux.

Après avoir brièvement rappelé les données culturelles, bibliques et théologiques, Marie-Noëlle Yoder, enseignante en théologie pratique au centre de formation du Bienenberg, met en lumière plusieurs mécanismes relationnels susceptibles soit bloquer soit de faciliter la réflexion et la pratique.

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Collaborations hommes-femmes dans l’Église : mécanismes relationnels sous-jacents

Introduction

En 1961, Madame Blocher-Saillens, pasteur à l’Église du Tabernacle à Paris et enseignante à l’Institut biblique de Nogent-sur-Marne, dès 1924, publiait un livre révolutionnaire dans les milieux évangéliques : Libérées pour son service. Dans cet ouvrage, elle interpellait les Églises :

« Frères et sœurs, je crains que, par une fausse compréhension de certains textes, l’Église ait été mutilée dans son témoignage. Elle a rejeté volontairement la collaboration féminine (…) Ne voulez-vous pas vous unir à moi pour demander à Dieu qu’il nous aide à réparer cette faute du passé pour sa gloire et le salut des âmes(1) ? »

Un demi-siècle plus tard, son appel a-t-il été entendu, ou les Églises évangéliques peinent-elles encore à envisager une collaboration entre hommes et femmes ? L’Église a-t-elle été restaurée et mesure-t-elle l’importance de la collaboration entre hommes et femmes dans l’enseignement et la direction d’Église ? Force est de constater qu’il y a encore du chemin à parcourir.

La question dans son contexte culturel

Le sujet de la juste place des femmes dans l’Église dépasse sa structure propre et s’inscrit nécessairement dans un contexte culturel. Un vent d’émancipation a soufflé sur les sociétés occidentales lors de ce dernier siècle et la société française a été amenée à envisager le paradigme homme-femme d’une nouvelle façon. Avec les avancées féministes, les femmes ont progressivement acquis plus de droits et de libertés au sein de la société civile. Cependant, même si la société contemporaine a progressé en matière d’égalité, de grandes disparités existent encore entre hommes et femmes, entre autres en matière de salaire et d’accession aux postes à responsabilité. Si l’on compare les pays d’origine germanique avec les pays latins, cela est d’autant plus frappant. Aujourd’hui encore, les hommes sont largement majoritaires dans les postes de direction des grandes entreprises et à la présidence des pays. Malgré les efforts fournis, la société peine encore à trouver un mode de fonctionnement détendu dans lequel les hommes et les femmes peuvent participer librement à la construction d’une vision d’avenir selon le principe de l’égalité, c’est-à-dire une prise en compte des compétences au-delà du sexe.

Ces changements profonds n’ont pas manqué d’interpeller l’Église par de nouvelles questions au sujet de l’accès des femmes à des postes de responsabilité au sein de l’Église et de la vision hiérarchique du couple chrétien. Chaque génération est amenée à se positionner et à s’interroger selon son contexte, mais il est intéressant de noter que les débats ne datent pas des revendications féministes du siècle passé. Dès les débuts de l’Église, les théologiens commentent la place des femmes dans l’Église(2). Beaucoup d’entre elles ont eu des responsabilités dans l’Église tout au long de l’histoire(3). Pour n’en citer que quelques-unes : les docteurs de l’Église Hildegarde de Bingen (XIe-XIIe siècles), Thérèse d’Avila (XVIe siècle), Catherine Schütz-Zell (XVe-XVIe siècles), Mère de l’Église, Marie Dentière (XVe-XVIe siècles), théologienne et réformatrice et bien d’autres. L’histoire des femmes, encore largement méconnue, refait aujourd’hui progressivement surface grâce à l’intérêt que lui portent les historiens. Beaucoup de données historiques ont été perdues dans ce domaine faute d’intérêt, mais la mémoire de l’autre moitié de l’histoire, celle qui a été mutilée, est progressivement reconstruite.

Question d’hier et d’aujourd’hui, les ministères dits « féminins » représentent une source de tension. Tout comme la société civile, de nombreuses Églises peinent à trouver une sérénité dans la collaboration entre hommes et femmes. Aujourd’hui, certaines Églises accueillent à bras ouverts des femmes formées et solides dans la foi à leur service alors que d’autres cherchent à se protéger des influences « du monde » en resserrant les rangs masculins de leurs responsables. Pour prendre des données quantifiables : il y a actuellement 7 femmes parmi les 71 anciens au sein des Églises mennonites de France. Dans la Fédération des Églises évangéliques baptistes de France, il y a 6 femmes pour 116 pasteurs. Au centre de formation du Bienenberg où j’enseigne, je suis la seule femme dans une équipe de 8 enseignants. Beaucoup de responsables et de membres restent indécis sur cette question fondamentale qui concerne la participation de tous à l’Église.

Bref rappel des données bibliques et des positionnements théologiques

La société, l’Église, quelle différence de fonctionnement ? ...

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1.
Madeleine Blocher-Saillens, Libérées pour son service, Paris, Les Bons Semeurs, 1961, p. 6.
2.
A. Nisus, H. Goudineau, « Bref historique sur la question des ministères féminins », Cahiers de l’École Pastorale, Hors-Série N°3, « Les ministères féminins », 2001.
3.
Voir par exemple : E. Dufourcq, Histoire des chrétiennes. L’autre moitié de l’Évangile, Montrouge, Bayard, 2008.

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