21 juillet 1561. Première d'Aman d’André de Rivaudeau

publié le 21 July 2023 à 02h01 par José LONCKE


André de Rivaudeau, né vers 1540 à Fontenay-le-Comte et mort vers 1580, est un poète et dramaturge français qui rivalisa avec Ronsard et dont la gloire fut éclipsée par celle de la Pléiade. Il réalisa la première traduction française d'Epictète et publia Aman, Tragédie sainte, l'une des trois premières tragédies françaises.
Il la fait représenter à Poitiers, le 21 juillet 1561. C’est  son unique pièce de théâtre. Elle est inspirée de l'histoire d'Esther et dédiée à la reine de Navarre, Jeanne d'Albret, reine qui fait alors figure de nouvelle Esther aux yeux des protestants.
Cette pièce, morale voire religieuse, composée d'après les grecs anciens, inspira au siècle suivant Jean Racine. Protestant, Rivaudeau tire son sujet des Bibles françaises de Jacques Lefèvre d'Étaples (1530) et de Pierre Robert Olivetan (1535). Aman, Tragédie sainte est publiée en 1566 à Poitiers.
On a pu comparer le théâtre de Rivaudeau et celui de Théodore de Bèze mais l'Amam est une première : la première tragédie dramatique. Rivaudeau s'y montre nettement influencé par les grecs ; il tient à y faire respecter les règles d'unité ; enfin il y bouleverse la perspective biblique, faisant d'Aman le personnage principal afin de dresser un parallèle entre les juifs persécutés et les protestants de son siècle.


Aman
André de Rivaudeau a voulu peindre en Aman un grand impie, un personnage susceptible de mettre en garde ses semblables contre la folie de l’orgueil et d’un excès d’amour propre.
Aman place tout son espoir dans les honneurs terrestres et commet le péché d’idolâtrie en se moquant du Dieu d’Israël. Et en faisant appel aux divinités de l’Antiquité et aux furies. Mais son erreur la plus profonde es de méconnaître la puissance du Dieu d’Israël dont il prétend surpasser la force :

... Qu’ils ont un Dieu plus grand que tous nos Dieux
Qui les maintient et garde des hauts Cieux
Ils ont menti, je leur ferai connaître,
Car je serai sur eux et leur Dieu maître,
Et n’ai-je pas la mort d’eux tous au poing ? 
(v 1337-41)

Apparemment plein de confiance, Aman se révèle lâche à la fin de la pièce lorsque surgissent les difficultés :

Surtout je crains la mort, une roue honteuse,
Un gibet, un bourreau font mon âme peureuse 
(v 2005-2006)

Bien différent est Mardochée. Patient dans les l’adversité, il prévoit la victoire du Seigneur :

Israël ne fut plus qu’une poignée d’hommes
Bannis de leur pays, le demeurant nous sommes
De ce nombre petit, qui, tous les jours mourons
Et pires que la mort, mille tourments souffrons,
Depuis que cet Amman gouverne la contrée
Et a vers nôtre Roi si favorite entrée.
Il me hait par sur tous, et dépite à grand tort
Par tous moyens qu’il peut me pourchasse la mort.
Il m’a fait élever une croix vergogneuse
Pour contenter un peu son âme furieuse,
Jusqu’à ce qu’à loisir il impètre du Roi
Les têtes en un jour de mes frères et moi.
Mais Dieu dispose tout, une humble patience
Peut surmonter d’Aman la roide violence.
(v-213-226)

Il supplie le Seigneur avec des paroles touchantes :

O Dieu de nos aïeux, qui pour les faire grands
A forcé tant de fois les plus roides tyrans,
Et qui pour soulager nos pères au passage
A dompté de la mer et des fiers vents la rage,
Fait saillir l’eau du roc, et envoyé des Cieux
Pour apaiser leur faim le pain délicieux
Et fait mille autres biens dont l’on se sent encore,
Et dont le peuple hébreu comme seul Dieu t’adore !
Tu vois, tu vois, Seigneur nos soupirs éternels,
Tourne sur nous, Seigneur, tes doux yeux paternels...

Déploie ta pitié et regarde les maux
De ton peuple oppressé, mets fin à nos travaux...

Depuis que rebutés et haïs de ce monde
Nous courons, vagabonds, toute la terre ronde,
Depuis que nous portons les daces, les édits,
Les charges, les tributs, ainsi qu’hommes maudits...
 
                                   ...  Fais lui sentir Seigneur
Que pareille et plus grande est encor’ ta vigueur,
Et que tu peux tirer des tiens et leur faiblesse
De quoi vaincre les Rois et baisser leur hautesse.
(v 1645s).

21 juillet 1561. Première d'Aman d’André de Rivaudeau

"Esther accusant Haman" (E. Normand, 1915)

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